Au départ, j’avais pensé titrer cette ultime chronique de 2008 «Mieux vaut tard que jamais», mais j’ai eu peur que vous ne pensiez que je réglais leur compte à quelques disques à la sauvette avant de prendre des vacances. En vérité, les choix qui suivent me trottent dans la tête depuis des semaines, voire des mois, et ils rendent assez fidèlement compte de ce que j’écoute pour mon propre plaisir – ce qui, je l’ai dit souvent, est la seule mesure honnête de la qualité d’un disque. À bon entendeur, salut!
Paul Reddick
Au gré des ans et des albums, le fil qui relie l’auteur-compositeur torontois Paul Reddick au blues tel qu’on l’entend aujourd’hui est de plus en plus ténu. Dans ce monde qui carbure à la bière et aux clichés, Sugarbird (Northernblues Music) pourrait bien consommer la rupture. On y entend des traces de blues, bien sûr, mais l’intérêt de ce disque réside ailleurs.
La vérité, c’est que Reddick, comme tout artiste qui se respecte, est à la recherche de quelque chose qu’il a entrevu en songe, et qui, dans son cas, se situe à la confluence des mythologies de l’Amérique pré-industrielle et d’une poésie qui juxtapose ses images de façon incongrue, soutirant de nouveaux sens à des phrases autrement banales («Mary had a red dress, red dress, red dress/With thoughts that grew by night»). Si Dylan, lui-même arpenteur de mythologies, adoptait une écriture plus économe et élliptique, il pourrait s’appeler Paul Reddick.
Georges Moustaki
J’hésite à qualifier Georges Moustaki de géant: ses chansons sont de facture trop modeste pour qu’on le classe au rang des Ferré et des Brel. Pourtant, c’est précisément cette absence de grandeur qui nous le rend si attachant – et si essentiel. Solitaire (EMI/Fusion III) est un disque qui porte mal son nom, puisqu’on y retrouve pas moins de cinq duos. Moustaki y poursuit un cheminement qui semble si facile qu’on pourrait le croire paresseux.