Un bateau propulsé par l’énergie des vagues, un autre à coque indestructible, un chemin de fer reliant l’arrière-pays, le pont de Québec et celui de l’île d’Orléans imaginés respectivement 10 et 40 ans avant leur réalisation… chez les auteurs de Québec débordait d’imagination entre 1880 et 1920! Science-fiction ou non, la crise qui sévissait alors dans la Capitale a délié les plumes et les imaginaires. Pour s’en sortir, plusieurs auteurs ont imaginé des inventions au service de la communauté.
«C’était une période durant laquelle on a eu une “science-fiction citoyenne”, dans le sens où l’on s’intéressait au devenir de la cité de Québec», raconte Jean-Louis Trudel, écrivain et historien de la science-fiction, qui présentait les résultats de son étude au congrès de l’ACFAS tenu à Québec au début du mois de mai dernier. «On était à la fois au cœur du marasme, mais on vivait les espérances permises par l’achèvement du chemin de fer», rappelle l’historien, celui reliant Québec et Montréal, terminé en 1879.
À cette époque, Québec se relevait du feu de 1866 qui avait détruit une partie de la ville, du transfert de la capitale canadienne vers Ottawa en 1867 et du départ de la garnison britannique de 3 000 hommes en 1871. «C’était une ville rêvée parce qu’on espérait mieux, parce qu’on était mécontent de la situation», continue-t-il. On ne retrouve aucun récit comparable ailleurs au Québec, dont les thèmes étaient plus souvent axés sur l’utilisation collective comme les chemins de fer, des canaux et aussi des ponts.
Parmi les auteurs, il y avait de vrais inventeurs comme Napoléon Aubin, détenteur d’au moins 13 brevets au Canada qui vendit son système de distillation de carburant pour lampadaires à plusieurs grandes villes des États-Unis; Charles Baillairgé, ingénieur à la ville de Québec, idéateur de la terrasse Dufferin devant le Château Frontenac, breveta sa fontaine à jets d’eau colorés qu’il imaginait pour la Place Royale, dans le quartier du Petit-Champlain. Il créa un ballon dirigeable ressemblant à un oiseau. Après avoir conçu des quais résistants à la glace, l’ingénieur imagina aussi un bateau résistant aux glaces de l’Arctique, qu’il présenta à la Royal Society of Canada.