Québec: Legault doit rappeler Duchesneau à l’ordre, mais la CAQ a imposé l’enjeu de la corruption

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 07/08/2012 par La Presse Canadienne et L'Express

à 12h03 HAE, le 8 août 2012.

QUÉBEC – L’entrée en scène fracassante de Jacques Duchesneau dans la campagne électorale québécoise a continué de faire des vagues, alors que son chef, François Legault, a dû rappeler à l’ordre son candidat-vedette et corriger des propos controversés qu’il a lui-même tenu sur la Commission d’enquête sur l’industrie de la construction.

En point de presse, mercredi, M. Legault a dit avoir confiance dans les commissaires de la Commission Charbonneau. La veille, M. Legault avait critiqué sévèrement le travail de la commission Charbonneau, allant jusqu’à se demander si le procureur en chef de celle-ci, Sylvain Lussier, n’avait pas cherché à épargner le gouvernement lorsqu’il a interrogé Jacques Duchesneau, l’ex-chef de police de Montréal qui avait aussi dirigé une unité anti-collusion du ministère des Transports.

Les adversaires politiques du chef caquiste avaient répliqué que M. Legault minait ainsi la crédibilité d’une commission d’enquête indépendante. Mercredi, le chef de la CAQ a soutenu néanmoins que Me Lussier, qui a accordé des entrevues dans les médias pour répondre à M. Duchesneau, a tenté de dénigrer un témoin. Il s’agit là d’un manque de jugement et un manque à son devoir de réserve, a fait valoir M. Legault.

Par ailleurs, en entrevue au Globe and Mail, Jacques Dechesneau a déclaré que des ministres libéraux ont fait du financement illégal et que ces révélations allaient être démontrées lorsque la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction reprendra ses travaux à la mi-septembre.

Publicité

Il n’a pas voulu nommer quiconque, mais il a affirmé aussi que des témoins à venir à la commission feront toute la lumière sur ces pratiques qui avaient aussi cours au Parti québécois.

Dans cette entrevue, M. Duchesneau a expliqué qu’il aurait pu nommer des noms lors de son passage devant la commission si on le lui avait explicitement demandé. S’il ne le fait pas maintenant, c’est qu’il ne bénéficie pas de l’immunité de la commission, a-t-il ajouté.

Au lendemain de l’annonce qu’il serait candidat de la Coalition avenir Québec (CAQ), M. Duchesneau n’avait pas perdu de temps pour mettre son chef dans l’embarras, en laissant entendre qu’il nommerait lui-même certains ministres dans un gouvernement caquiste, contrevenant ainsi à la tradition et aux pouvoirs dévolus au premier ministre dans notre système politique.

En entrevue au 98,5 FM, tôt en matinée, à l’émission de Paul Arcand, l’ex-policier a soutenu qu’il serait chargé de la lutte à la corruption et aurait l’autorité non seulement de chapeauter, mais bien de choisir les quatre ministres (Transports, Affaires municipales, Sécurité publique et Ressources naturelles) relevant de lui dans un éventuel gouvernement Legault.

François Legault a remis les pendules à l’heure, expliquant que la nomination des ministres était la prérogative exclusive du premier ministre, en l’occurrence lui-même dans un éventuel gouvernement caquiste. Il a indiqué qu’il n’y avait qu’un seul patron à la CAQ, concédant tout de même que Jacques Duchesneau, promu vice-premier ministre s’il est élu et que la CAQ est portée au pouvoir, serait consulté au moment de choisir les quatre ministres en question.

Publicité

De passage en Beauce, le chef libéral Jean Charest n’a pas raté sa chance d’exploiter le faux pas de Jacques Duchesneau, à qui il avait confié le mandat en 2010 de faire le ménage dans l’attribution de contrats au ministère des Transports, en créant l’Unité anticollusion.

Recourant à l’humour pour ridiculiser l’adversaire, M. Charest a dit que dorénavant le rôle de François Legault se réduirait à alimenter «son compte Twitter et les cocktails de financement, pendant que Jacques Duchesneau s’occupera de tout le reste».

La candidature de Jacques Duchesneau à la CAQ a eu l’effet d’une bombe dans la classe politique. Depuis, les trois grands partis cherchent à se positionner pour incarner, aux yeux des électeurs, celui qui peut le mieux prétendre laver plus blanc que blanc.

Un sondage Léger/Journal de Montréal indiquait lundi que 86% des Québécois croient que la corruption est un problème majeur au Québec. 70% répondaient que le gouvernement libéral est corrompu et 66% que tous les partis le sont. C’est l’enjeu qui a dominé la première semaine de la campagne – grâce et au profit de la CAQ – et qui ne semble pas s’estomper, en vue du scrutin du 4 septembre.

Trois candidats péquistes, Bertrand St-Arnaud, Bernard Drainville et Nicolas Girard, ont d’ailleurs fait une sortie publique lundi pour rappeler les mesures qu’entend prendre le PQ en ce sens dans l’espoir de reprendre le haut du pavé sur le terrain de la lutte à la corruption.

Publicité

En énumérant les scandales révélés au grand jour par les députés du PQ, M. Girard a soutenu qu’un gouvernement péquiste s’affairerait à débusquer tous les nids de corruption. «Un homme seul, fût-il un Eliot Ness, ça ne suffit pas», a-t-il lancé, en référence au coup d’éclat de la veille de la Coalition avenir Québec.

Un gouvernement péquiste limiterait ainsi à 100 $ le montant des dons aux partis politiques et assurerait à ceux-ci un financement public, une mesure à coût nul qui serait financée par l’élimination du crédit d’impôt pour les dons aux partis.

«Les libéraux ont complètement perverti le système en exigeant des ministres qu’ils atteignent un quota de 100 000 $ par année; Jean Charest a placé son gouvernement sous influence. En formant le gouvernement, le Parti libéral a ainsi doublé les contributions qu’il reçoit, ce qui est complètement ahurissant», a soutenu M. St-Arnaud.

François Legault s’est par ailleurs dit à l’aise avec le don de 1000 $ qu’un dénommé Paolo Catania a versé à la CAQ au cours des derniers mois. Il a affirmé que le parti ne promettait «rien» à aucun de ses donateurs et que de toute façon, il n’était pas certain que le Paolo Catania en question est bien celui qui est accusé de fraude, de complot et d’abus de confiance en lien avec l’affaire du projet immobilier Faubourg Contrecoeur, à Montréal.

Jacques Duchesneau, lui, a déclaré que les donateurs à la CAQ qui s’attendaient à un «retour d’ascenseur» allaient découvrir qu’ils devront «prendre l’escalier».

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur