Que le vrai Damien Robitaille se lève

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Publié 31/10/2006 par Dominique Denis

Autant le dire tout de suite: on tient là le début le plus prometteur dans le sens d’une promesse de percée québécoise que la chanson franco-ontarienne nous ait donné depuis ces épiques années où Paquette et Garolou avaient insidieusement cousu une trille verte au fleurdelysé. Le fait que L’homme qui me ressemble soit paru chez Audiogram, l’étiquette de Rivard, Bélanger, Piché et compagnie, signifie tout le moins que Damien Robitaille s’est vu offrir les moyens, tant techniques que promotionnels, pour faire son entrée par la porte d’en avant.

Bien qu’il joue déjà dans la cour des grands, l’auteur-compositeur originaire de Lafontaine soulève un paradoxe assez typique de notre époque: s’il avait lancé L’homme qui me ressemble dans les années 70, ses histoires de porcs-épics et son existentialisme métrique auraient probablement été classées au rayon des disques pour enfants (il aurait suffi d’éliminer Sexy séparatiste, exercice de style vaguement cochon et parfaitement insignifiant).

Mais il ne faut pas confondre la naïveté de son propos avec le genre d’infantilisme abruti – et abrutissant – qui a fait la fortune des Trois Accords. Chez Damien, la candeur n’est pas une affectation, et la simplicité extrême du langage (qui subvertit à l’occasion les clichés du country), est plutôt une façon de scruter l’inconscient, à la manière d’un peintre sorti des beaux-arts dont la quête personnelle passerait par l’art brut.

Mais Damien risque fort de se sentir à l’étroit dans ce personnage de vrai-faux naïf qui lui a jusqu’ici servi de carte de visite, tant à Granby qu’auprès du public et des médias montréalais. Heureusement, la présence de quelques morceaux qui mettent son flair mélodique au service d’une perspective onirique (Astronaute, qui revisite la prémisse du Space Oddity de Bowie) suggère que le virage est déjà amorcé.

Les chansons de Damien Robitaille sont déjà irrésistiblement accrocheuses. Pour peu qu’il accepte de sacrifier ses acquis au profit d’une démarche plus «adulte» (dans le meilleur sens du terme), alors the sky’s the limit

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Le retour de Don Quichotte

Comme tous les Don Quichotte de la chanson, Renaud serait terriblement malheureux voire inutile si nous vivions dans un monde parfait, sans statues à déboulonner, sans salauds à conspuer ni hypocrisies à dénoncer.

Si Rouge sang (EMI) marque un certain retour à la verve de ses beaux jours, c’est que l’homme semble avoir retrouvé son flacon de fiel et le vocabulaire qui va avec («J’ai retrouvé mon flingue/Il était dans mes rimes», lance-t-il, au cas où on n’aurait pas compris), suivant quelques années de dérive éthylique et de panne d’inspiration.

Tirant à feu nourri sur les ripoux de France et d’ailleurs (Bush et ses compatriotes en tête, of course), épinglant au passage les fachos (vieille lubie) et les «bobos», alias bourgeois bohèmes (ses nouvelles têtes de Turcs), Renaud se garde quand même un peu d’encre rouge pour les mots d’amour, dédiés pour la plupart à sa muse Romane Serda, devenue l’héroïne de sa vie – et de la BD qui illustre joliment le livret du disque.

Représentées à part égales sur cet album très volubile, la tendresse et la hargne sont d’ailleurs les deux mamelles auxquelles Renaud se nourrit depuis toujours. À ce stade, on pourra l’accuser de s’auto-parodier (et on n’aura pas tout à fait tort) et de n’avoir jamais chanté si faux, cela n’enlève pas grand chose à la cote d’amour du bonhomme auprès de ses fidèles, ni au fait que même un Renaud sans réelles surprises mérite le détour.

La fin du monde est pour Faubert

En faisant équipe avec Jérôme Minière, maître ès climats planants, l’inquiétant folkloriste Michel Faubert a vu l’occasion de souligner l’intemporalité (et donc la modernité) inhérente à ces chants puisés au tréfonds du puits patrimonial, souvent plus loin que ne va la mémoire collective.

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Pour ceux qui ne l’auraient pas entendu en solo ou au sein des Charbonniers de l’Enfer, disons que La fin du monde (La Tribu) est à des lieues du techno-trad festif à la Swing, dont l’audace consiste à ajouter quelques scratches de DJ à nos rigodons. Ou, pour emprunter une analogie littéraire, si Yves Lambert est le Rabelais du folklore québécois, alors Faubert en est le Edgar Allan Poe.

En effet, c’est dans un monde d’ombres crépusculaires et de ruminations assassines que le tandem nous invite, là où l’on empoisonne son mari, où l’on tue femme et enfant pour des motifs qui ne tiendraient pas en cour.

Assumant le rôle de réalisateur et de coloriste, Minière injecte quelques teintes dignes de Brian Eno à une palette où la podorythmie et la bombarde sont passées au collimateur électronique. Le plus curieux, c’est que l’effet d’ensemble reste assez fidèle à ce que Faubert avait bricolé jusqu’ici par des moyens plus conventionnels.

On se surprend même à regretter que nos complices n’aient pas poussé un peu plus loin leur oeuvre de métamorphose. Souhaitons qu’une seconde collaboration leur en fournisse l’occasion.

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