Autant le dire tout de suite: on tient là le début le plus prometteur dans le sens d’une promesse de percée québécoise que la chanson franco-ontarienne nous ait donné depuis ces épiques années où Paquette et Garolou avaient insidieusement cousu une trille verte au fleurdelysé. Le fait que L’homme qui me ressemble soit paru chez Audiogram, l’étiquette de Rivard, Bélanger, Piché et compagnie, signifie tout le moins que Damien Robitaille s’est vu offrir les moyens, tant techniques que promotionnels, pour faire son entrée par la porte d’en avant.
Bien qu’il joue déjà dans la cour des grands, l’auteur-compositeur originaire de Lafontaine soulève un paradoxe assez typique de notre époque: s’il avait lancé L’homme qui me ressemble dans les années 70, ses histoires de porcs-épics et son existentialisme métrique auraient probablement été classées au rayon des disques pour enfants (il aurait suffi d’éliminer Sexy séparatiste, exercice de style vaguement cochon et parfaitement insignifiant).
Mais il ne faut pas confondre la naïveté de son propos avec le genre d’infantilisme abruti – et abrutissant – qui a fait la fortune des Trois Accords. Chez Damien, la candeur n’est pas une affectation, et la simplicité extrême du langage (qui subvertit à l’occasion les clichés du country), est plutôt une façon de scruter l’inconscient, à la manière d’un peintre sorti des beaux-arts dont la quête personnelle passerait par l’art brut.
Mais Damien risque fort de se sentir à l’étroit dans ce personnage de vrai-faux naïf qui lui a jusqu’ici servi de carte de visite, tant à Granby qu’auprès du public et des médias montréalais. Heureusement, la présence de quelques morceaux qui mettent son flair mélodique au service d’une perspective onirique (Astronaute, qui revisite la prémisse du Space Oddity de Bowie) suggère que le virage est déjà amorcé.
Les chansons de Damien Robitaille sont déjà irrésistiblement accrocheuses. Pour peu qu’il accepte de sacrifier ses acquis au profit d’une démarche plus «adulte» (dans le meilleur sens du terme), alors the sky’s the limit…