Quand l’État doit financer un litige d’intérêt public

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Publié 08/02/2011 par Gérard Lévesque

«Le présent pourvoi soulève de nouveau l’épineuse question de savoir si et dans quelle mesure les tribunaux peuvent (ou devraient) ordonner à l’État de financer ce que l’on peut généralement qualifier de litige d’intérêt public…J’estime que le rôle de surveillance des cours supérieures vis-à-vis des cours provinciales en Alberta englobe le pouvoir d’accorder une provision pour frais devant un tribunal d’instance inférieure lorsqu’il s’agit d’une mesure essentielle à l’administration de la justice et au maintien de la primauté du droit.»

Voilà ce qu’écrit le juge Ian Binnie au nom de ses collègues de la Cour suprême du Canada dans une décision unanime rendue publique le 4 février dernier au sujet du financement d’un litige constitutionnel engagé par Gilles Caron, un plaideur impécunieux.

Dans cette affaire, le ministère de la Justice de l’Alberta demandait à la Cour suprême d’obliger Caron à lui rembourser les 120 000$ que le ministère s’était vu ordonner de payer au titre des honoraires et débours des avocats et des experts de celui que la Cour décrit comme étant «le porte-étendard présumé des Franco-Albertains dans la présente affaire».

Si la Cour suprême avait accueilli la demande de Justice Alberta, cela aurait sans doute forcé le militant des droits linguistiques à déclarer faillite. Cela aurait aussi laissé l’impression qu’il faut être riche ou avoir des amis riches pour exercer des recours devant les tribunaux. Il revient évidemment au Parlement et aux législatures provinciales de décider si, et dans quelle mesure, des fonds publics serviront à financer les poursuites engagées contre l’État, mais les tribunaux ont parfois à prendre ces décisions.

La Cour suprême vient maintenant de fixer des paramètres pour guider les tribunaux qui sont saisis de ce genre de situations exceptionnelles. Heureusement, ce n’est pas ce que le plus haut tribunal du pays a décidé.

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En l’espèce, la Cour a indiqué que la Loi linguistique de l’Alberta vise à abolir des droits linguistiques de la minorité francophone. Si Caron a gain de cause, cette affaire pourrait devenir la version albertaine du Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba.

La question en litige concerne un aspect fondamental de la primauté du droit. L’affaire vaut d’être instruite en tant que contestation visant tout le corpus des textes juridiques unilingues de l’Alberta.

«Le préjudice découlant de l’incertitude persistante concernant les droits linguistiques de la minorité francophone en Alberta transcende la situation particulière de M. Caron et risque de porter atteinte à l’intérêt public général des Albertains.»

Devant l’importance de la question à trancher, la Cour avait accepté comme intervenants l’Association canadienne-française de l’Alberta, l’Association canadienne des libertés civiles, le Centre David Asper pour les droits constitutionnels (lequel est logé à la Faculté de droit de l’Université de Toronto), le Centre Poverty and Human Rights, le Comité de la Charte et des questions de pauvreté, le Commissaire aux langues officielles du Canada, le Conseil des Canadiens avec déficiences et le Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes.

Pour plus de renseignements:

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Texte de la décision de la Cour suprême du Canada :
http://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2011/2011csc5/2011csc5.html

Mémoire de la ministre de la Justice et procureure générale de l’Alberta :
http://documentationcapitale.ca/index.cfm?Repertoire_No=-751102913&voir=centre_detail&Id=4463

Mémoire de Gilles Caron :
http://documentationcapitale.ca/index.cfm?Repertoire_No=-751102913&voir=centre_detail&Id=4464

Mémoire de l’Association canadienne-française de l’Alberta :
http://documentationcapitale.ca/index.cfm?Repertoire_No=-751102913&voir=centre_detail&Id=4465

Mémoire de l’Association canadienne des libertés civiles :
http://documentationcapitale.ca/index.cfm?Repertoire_No=-751102913&voir=centre_detail&Id=4466

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Mémoire du Centre David Asper pour les droits constitutionnels :
http://documentationcapitale.ca/index.cfm?Repertoire_No=-751102913&voir=centre_detail&Id=4462

Mémoire du Commissaire aux langues officielles :
http://documentationcapitale.ca/index.cfm?Repertoire_No=-751102913&voir=centre_detail&Id=4467

Mémoire du Conseil des Canadiens avec déficiences, du Centre Poverty and Human Rights, du Comité de la Charte et des questions de pauvreté et du Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes :
http://documentationcapitale.ca/index.cfm?Repertoire_No=-751102913&voir=centre_detail&Id=4468

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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