«Le présent pourvoi soulève de nouveau l’épineuse question de savoir si et dans quelle mesure les tribunaux peuvent (ou devraient) ordonner à l’État de financer ce que l’on peut généralement qualifier de litige d’intérêt public…J’estime que le rôle de surveillance des cours supérieures vis-à-vis des cours provinciales en Alberta englobe le pouvoir d’accorder une provision pour frais devant un tribunal d’instance inférieure lorsqu’il s’agit d’une mesure essentielle à l’administration de la justice et au maintien de la primauté du droit.»
Voilà ce qu’écrit le juge Ian Binnie au nom de ses collègues de la Cour suprême du Canada dans une décision unanime rendue publique le 4 février dernier au sujet du financement d’un litige constitutionnel engagé par Gilles Caron, un plaideur impécunieux.
Dans cette affaire, le ministère de la Justice de l’Alberta demandait à la Cour suprême d’obliger Caron à lui rembourser les 120 000$ que le ministère s’était vu ordonner de payer au titre des honoraires et débours des avocats et des experts de celui que la Cour décrit comme étant «le porte-étendard présumé des Franco-Albertains dans la présente affaire».
Si la Cour suprême avait accueilli la demande de Justice Alberta, cela aurait sans doute forcé le militant des droits linguistiques à déclarer faillite. Cela aurait aussi laissé l’impression qu’il faut être riche ou avoir des amis riches pour exercer des recours devant les tribunaux. Il revient évidemment au Parlement et aux législatures provinciales de décider si, et dans quelle mesure, des fonds publics serviront à financer les poursuites engagées contre l’État, mais les tribunaux ont parfois à prendre ces décisions.
La Cour suprême vient maintenant de fixer des paramètres pour guider les tribunaux qui sont saisis de ce genre de situations exceptionnelles. Heureusement, ce n’est pas ce que le plus haut tribunal du pays a décidé.