Quand les parents découvrent que leurs enfants sont tentés par le Djihad

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Publié 22/03/2016 par Harriet Vince

C’est le départ d’une centaine de jeunes Canadiens en direction de la Syrie pour rejoindre l’État islamique – et la mort de 17 d’entre eux jusqu’à maintenant – qui a motivé la réalisatrice Eileen Thalenberg à réaliser un documentaire A Jihadi In The Family, qui passera à CBC le jeudi 24 mars à 21h.

«Je me demandais si c’était vrai que Daesh représentait une grande menace chez nous, et avec qui est-ce que je pourrais parler?», raconte-t-elle en entrevue à L’Express.

Seule Christianne Boudreau, la mère de Damien Clairmont qui est au mort au combat en hiver 2013, alors qu’il avait rejoint l’armée djihadiste en novembre 2012, a accepté de parler de ce phénomène de radicalisation chez les jeunes.

«C’est un grand problème dont les familles ou amis ne parlent pas. Ils ont peur de la stigmatisation, du voisinage autant que des autres membres de la famille, qu’on leur reproche le comportement du jeune à cause de son éducation», explique-t-elle.

Témoignages

Ce documentaire est un beau témoignage de la difficulté des situations que vivent les familles après le départ de leur enfant.

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Il se focalise sur la vie de Christianne Boudreau après la mort de son fils à Alep, la deuxième ville de Syrie, un foyer de la résistance au régime de Bashar el Assad. Elle tente de comprendre ce qui a pu entraîner la radicalisation de son garçon.

À Bruxelles avec d’autres mères de jeunes partis rejoindre le Califat, elle crée l’association Mothers For Life dont l’une des missions est de comprendre d’où vient ce phénomène et le combattre.

C’est pour tout le monde, affirme Eileen Thalenberg. «C’est pour dire aux familles qui ont peur qu’il faut parler, se réunir pour parler du problème.»

Le phénomène, plus courant en Europe en raison de sa proximité et de son passé colonisateur, relève d’enjeux individuels qu’on ne peut pas généraliser. «Il y a parfois un problème avec la famille, en particulier avec le père, d’après les chercheurs», explique la réalisatrice.

Souvent épris de justice, ces jeunes se sentent marginalisés, mal intégrés dans une société qu’ils considèrent raciste. Ils veulent aider ailleurs et se sentent frustrés par la situation internationale pleine d’injustices. Souvent altruistes, leurs raisons initiales ne sont pas forcément mauvaises.

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Des solutions?

Ce reportage est également un message pour le gouvernement: une concertation est requise entre les amis, la famille, les gens qui ont vécu ces situations et le gouvernement, pour aborder ensemble ce phénomène générationnel.

«Le problème réside dans le fait qu’une fois qu’un jeune à risque est détecté, le père ou la mère s’adresse à la police qui arrête tout de suite l’enfant», suggère-t-elle. «On passe tout de suite au procès au lieu de chercher des réponses sociales, d’aider ce jeune, de voir et de comprendre le problème: l’enfant se sent-il mal dans la société? A-t-il un problème psychologique? Qu’est-ce qu’il regarde sur internet?»

La réalisatrice souligne qu’il est essentiel de préparer quelque chose pour le retour des jeunes, car rien ne les attend à part la prison. Selon elle, un dialogue sur la tolérance est nécessaire pour éviter toute marginalisation des jeunes qui pensent différemment de nous.

Ex-détenu de Guantánamo

Le documentaire met également en avant Mourad Benchellali, un ancien détenu français du camp de Guantánamo qui est devenu très important dans la conversation sur la prévention de la radicalisation auprès de jeunes en France.

En novembre 2015, il a été arrêté à la frontière canadienne alors qu’il se rendait à Toronto pour une série de conférences. «La GRC avait pourtant accepté qu’il vienne. C’était effrayant et cela l’a traumatisé», souligne la réalisatrice qui l’avait invité au Canada.

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«On ne se rend pas compte lorsque l’on est jeune des conséquences de nos actions. On est très naïf, surtout les jeunes de 18-19 ans. Ce sont des jeunes qui cherchent quelque chose. Tout le monde à cet âge se braque contre la société ou se questionne. Et ils peuvent être influencés par des personnes qui ont de mauvaises intentions», explique Eileen Thalenberg.

Parmi les initiatives susceptibles de prévenir la radicalisation, elle mentionne celle de la ville de Calgary, le programme «ReDirect», qui crée une complicité entre les écoles, les centres communautaires et la police, dans une perspective d’aider les jeunes adultes vulnérables.

Au cours de la semaine du 11 avril, ce documentaire sera montré dans plusieurs cégeps montréalais, dont Maisonneuve, qui est actuellement au centre de nombreux débats sur la radicalisation.

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