La photo ornant la pochette de Revue (Northernblues Music) nous présente, en superbe contre-plongée, la marquise du cinéma du même nom, cette institution torontoise qui renvoie à une époque où même les plus grandes industries revendiquaient leur côté artisanal et leur ancrage dans un quartier.
Quoi de plus approprié, donc, pour illustrer ce retour sur l’œuvre d’une autre institution torontoise, le bluesman et harmoniciste Paul Reddick. Mais l’appellation de bluesman, trop souvent réduite, de nos jours, à un cliché gonflé de testostérone, ne saurait rendre justice à celui qui s’affiche plus volontiers comme «songwriter Paul Reddick».
Car si notre homme parle la langue du blues – ou, plus exactement, les langues du blues – elles sont pour lui un outil, un véhicule au service de l’expression d’un regard très personnel sur le monde, mi-philosophique, mi-amusé, où même la menace d’une chanson comme I’m a Criminal trahit une conscience du fait que le blues est une mythologie, avec tout ce que cela comprend de fausses vérités et de vrais mensonges.
Avec son précédent album, Villanelle, fruit d’une fertile symbiose avec le guitariste et réalisateur Colin Linden, Reddick avait fixé un peu plus haut la barre, s’inspirant d’une ancienne forme poétique héritée du français pour conjurer un dense univers d’images, dans une série de canevas musicaux qui remontaient aux sources rurales du blues et dans la mémoire de l’Amérique pré-industrielle, invitant des comparaisons à la démarche d’un autre artiste inclassable, un certain Bob Dylan.
Entre ses premiers pas au sein de son excellent groupe, les Sidemen, et ses récentes incursions en solitaire, le cheminement de Paul Reddick se trouve ici documenté en 18 escales (dont deux inédits), parmi lesquelles on retrouve quelques collaborations avec le Rhythm & Truth Brass Band et un magnifique hommage à Johnny Cash (Train Of Love).