En 1990, la Cour suprême du Canada s’est prononcée sur les dispositions du Code criminel interdisant la tenue d’une maison de débauche et interdisant à une personne de communiquer ou de tenter de communiquer avec une personne dans un endroit public dans le but de se livrer à la prostitution ou de retenir les services sexuels d’une personne qui s’y livre. La Cour a indiqué entre autres que la portée de la liberté d’expression s’étend aux activités de communication en vue de se livrer à la prostitution et que les limites imposées à cette liberté d’expression par le Code criminel sont justifiables.
Depuis cette décision du plus haut tribunal du pays, le texte de certaines dispositions législatives relatives à la prostitution a été modifié, de nombreux rapports ont fait état de l’augmentation de la violence contre les prostituées et la jurisprudence interprétant l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, lequel porte sur le droit à la sécurité, a considérablement évolué.
À l’automne 2010, dans l’affaire Bedford c. Canada, la Cour supérieure de justice de l’Ontario reconnaît que les prostituées font face à des risques plus élevés lorsqu’elles sont empêchées d’offrir leurs services à l’intérieur d’un édifice où d’autres personnes sont présentes, et empêchées de prendre des mesures pour vérifier qui sont leurs clients. Ces dispositions privent les prostituées du droit constitutionnel à la sécurité de leur personne.
La Cour décide également que la disposition traitant de communication viole le droit des prostituées à la liberté d’expression et n’est pas une limite raisonnable puisqu’elle interdit les communications autres que celles qui contribuent à une nuisance sociale.
En conséquence, les dispositions législatives en cause sont alors déclarées invalides. Ce jugement a été porté en appel et la Cour d’appel de l’Ontario a décidé de suspendre l’effet de cette décision jusqu’à l’audition de l’appel.
Quelque temps cette année, la Cour d’appel de l’Ontario va donc se pencher sur un dossier illustrant la tension qui existe autour des perspectives morales, sociales et historiques de la prostitution et l’effet de certaines dispositions du Code criminel sur les droits constitutionnels des personnes concernées. La décision de la Cour d’appel devrait préciser cette question qui est suivie avec intérêt par plusieurs groupes et individus.