Procès Shafia: Sahar ne voulait pas que ses parents apprennent son idylle

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Publié 29/11/2011 par Colin Perkel (La Presse Canadienne)

à 15h51 HNE, le 30 novembre 2011.

KINGSTON, Ont. – La jeune Sahar Shafia, âgée de 17 ans à sa mort, était convaincue que ses parents la tueraient si jamais ils apprenaient sa liaison amoureuse avec un garçon, selon une femme à qui elle s’était confiée.

Mais l’adolescente a tout de même pris ce risque à cause de la profondeur de ses sentiments pour son ami Ricardo, a témoigné mercredi la tante du garçon.

Erma Diaz Medina dit avoir reçu les confidences de l’adolescente deux mois à peine avant sa mort tragique. «Elle m’a dit qu’elle serait une ‘femme morte’ si ses parents apprenaient qu’elle sortait avec Ricardo», a-t-elle relaté devant le jury. «Si ces parents l’avaient appris, ils l’auraient tuée.»

Selon Mme Diaz Medina, Sahar craignait réellement ses parents, et avait mentionné à plusieurs reprises qu’ils la tueraient s’ils apprenaient la vérité.

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Sahar Shafia et Ricardo Ruano ont entretenu une liaison amoureuse pendant quatre mois, à partir du début de 2009. Ils songeaient à se marier et à déménager au Honduras pour fuir la famille Shafia.

Leur idylle a pris fin avec la mort de l’adolescente.

«Elle aimait Ricardo», a affirmé mercredi la tante du jeune homme. «Elle m’a dit qu’elle l’aimerait jusqu’à sa mort.»

Deux mois plus tard, Sahar Shafia était morte, son téléphone cellulaire rempli de photos innocentes du jeune couple.

Plus tôt mercredi, Ricardo Ruano a confié aux sept femmes et cinq hommes du jury que de son vivant, la jeune Sahar Shafia présentait déjà des ecchymoses aux bras et aux jambes. Et selon lui, ces marques n’étaient pas d’origine accidentelle.

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Aujourd’hui âgé de 23 ans, le jeune homme a relaté que son amie de coeur soutenait alors avoir fait une chute à l’école. Mais il n’en a pas cru un mot. Ses marques semblaient plutôt avoir été causées par des coups portés par une autre personne, a indiqué l’ami de coeur éploré.

Soumis à un contre-interrogatoire, le jeune homme a admis qu’aucune marque n’était visible sur plusieurs photographies de la jeune femme qui ont été présentées au tribunal.

M. Ruano a aussi déclaré que Sahar s’inquiétait de la possibilité que ses parents, maintenant accusés de quatre meurtres, ne soient mis au courant de leur relation amoureuse. Elle ne lui a toutefois jamais parlé en détails de ses problèmes à la maison, a relaté le témoin.

«Elle n’a jamais mentionné de problèmes importants», a affirmé le jeune homme par l’entremise d’un interprète hispanophone.

Ricardo Ruano a aussi affirmé que Sahar s’était d’abord présentée sous le prénom de Natasha, et qu’elle souhaitait garder secrète leur relation.

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Toujours mercredi, une travailleuse sociale a raconté qu’elle avait demandé une intervention immédiate au sein de la famille Shafia après avoir discuté avec Sahar, qui lui avait parlé de mauvais traitements.

Evelyn Benayoun a affirmé qu’elle s’était entretenue au téléphone avec l’adolescente en mai 2008, après un signalement de la part de l’école secondaire de Sahar Shafia. «Sahar m’a dit qu’elle voulait mourir. Elle n’en pouvait plus», a affirmé Mme Benayoun.

«Elle se sentait isolée, exclue par ses parents. Elle voulait mourir et ne savait pas comment se tuer.»

Sahar Shafia avait confié à la travailleuse sociale se sentir ostracisée par sa famille.

Même si l’adolescente se plaignait d’être victime de violences physiques de la part de son frère, c’est le refus de sa mère de lui adresser la parole qui l’affectait le plus, selon Evelyn Benayoun. «Ça l’affectait beaucoup», a-t-elle affirmé.

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Le dossier d’intervention a toutefois été fermé lorsque Sahar Shafia a changé sa version des faits.

Le 30 juin 2009, les corps de Sahar, de ses soeurs Zainab, âgée de 19 ans, et Geeti, âgée de 13 ans, et de la première épouse de leur père, Rona Amir Mohammad, âgée de 52 ans, ont été découverts dans une voiture submergée dans une écluse du canal Rideau, à Kingston en Ontario.

La Couronne soutient que le père des adolescentes, l’homme d’affaires d’origine afghane Mohammad Shafia, âgé de 58 ans, leur mère, Tooba Yahya, âgée de 41 ans, et leur frère Hamed, âgé de 20 ans, ont tué les quatre victimes alors que toute la famille rentrait d’un voyage à Niagara Falls, parce qu’elles déshonoraient la famille.

Les trois accusés ont plaidé non coupable aux quatre chefs d’accusation de meurtre prémédité, plaidant qu’il s’agissait d’un tragique accident.

Le procès a été ajourné jusqu’à lundi prochain.

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* * *

Elle avait peur de son père

à 18h59 HNE, le 29 novembre 2011.

KINGSTON, Ont. – Le Tribunal a entendu mardi que dans les mois avant sa mort, une adolescente montréalaise était terrifiée à l’idée que ses parents découvrent qu’elle avait un petit ami.

Pendant son témoignage devant la Cour supérieure de l’Ontario, le petit ami de Sahar Shafia a raconté la relation furtive mais intense qu’ils ont vécue lors des quatre mois précédant son décès par noyade.

«Je ne peux aimer quelqu’un de plus beau que toi puisque que tu es comme l’air que je respire chaque matin», écrivait-il dans un message texte découvert sur le téléphone cellulaire de la victime. «Si je possédais la lune, le soleil, le ciel ou la mer ou les étoiles à ce moment, je te donnerais tout, mon amour.»

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Le couple s’est rencontré au début de 2009 par le biais de la soeur aînée de Sahar, Zainab, et la relation est rapidement devenue «sérieuse». Ils parlaient de se marier et de quitter le pays puisque les parents de Sahar n’approuveraient pas leur relation.

Un membre de la parenté de Sahar les avait aperçus alors qu’ils s’enlaçaient dans un restaurant et avait demandé à la jeune fille d’en savoir plus sur leur relation.

Son copain a raconté que Sahar, alors âgée de 17 ans, avait réagi comme «une personne qui a peur».

«Elle avait peur de sa famille parce qu’elle allait découvrir notre relation», a affirmé le jeune homme, qui ne peut être identifié en raison d’une ordonnance de la Cour.

«Pouvez-vous imaginer si son père avait su?»

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Il a dit avoir alors embrassé un autre fille pour dissiper les soupçons quant à la relation qu’il entretenait avec Sahar. Six semaines plus tard, le témoin rencontrait les parents de Sahar ainsi que son frère Hamed pour la première fois.

Le 30 juin 2009, les corps de Sahar, alors âgée de 17 ans, de Zainab, âgée de 19 ans, de Geeti, âgée de 13 ans et de la première épouse de leur père, Rona Amir Mohammad, âgée de 52 ans, ont été découverts dans une voiture submergée dans une écluse du canal Rideau, à Kingston en Ontario.

La Couronne soutient que l’homme d’affaire d’origine afghane et père des adolescentes, Mohammad Shafia, âgé de 58 ans, leur mère, Tooba Yahya, âgée de 41 ans, et leur frère Hamed, âgé de 20 ans, ont tué les quatre victimes alors que toute la famille rentrait d’un voyage à Niagara Falls parce qu’elles déshonoraient la famille.

Les trois accusés ont plaidé non-coupable à quatre chefs d’accusations de meurtre au premier degré.

Plus tôt mardi, un membre de la parenté a témoigné que Rona Amir Mohammad refusait de quitter la maison ou d’alerter la police parce qu’elle craignait que Mohammad Shafia ne la tue.

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Lors de son témoignage, Fahimah Vorgetts a raconté que Mme Mohammad était de plus en plus désespérée dans les années précédant sa mort.

«Presque chaque fois qu’elle appelait, elle pleurait», a confié Mme Vorgetts. «Elle disait que si elle quittait la maison ou si elle se rendait à la police, son mari la tuerait.»

Mme Vorgetts, une activiste afghane qui vit maintenant en Virginie, a raconté avoir tenté de persuader Mme Mohammad de quitter son mari.

Mais lors des appels furtifs effectués sur le téléphone public d’un parc, Mme Mohammad lui avait confié ne pas posséder de statut au Canada, ne pas avoir de documents d’identité, puisque son mari les gardait, et être inquiète d’être renvoyée en Afghanistan, où des membres de sa famille la tueraient.

«Je lui ai dit « Tu n’es pas en Afghanistan, les lois vont te protéger »», a dit Mme Vorgetts.

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La victime lui avait raconté que son mari lui avait donné un coup de pied et tiré les cheveux. Les deux femmes avaient aussi discuté du fait que Tooba Yahya l’humiliait constamment devant les enfants et les invités.

«Tu n’es pas une épouse. Tu es une esclave, tu es une servante», répétait Mme Yahya à Mme Mohammad, selon le témoin.

Lors du contre-interrogatoire, Mme Vorgetts a avoué ne pas avoir alerté les policiers, estimant que c’était à Mme Mohammad de prendre cette décision.

En mai 2009, à son retour d’un voyage en Afghanistan, Mme Vorgetts a raconté avoir trouvé des messages de Mme Mohammad sur son répondeur.

«C’étaient des messages désespérés. Ça sonnait comme si elle était dans le pétrin, comme si elle avait besoin de beaucoup d’aide, comme si elle voulait faire quelque chose», a-t-elle dit.

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«Ensuite, j’ai appris qu’elle était morte.»

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