Prière de s’abstenir… ou le devoir de neutralité religieuse de l’État

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Publié 21/04/2015 par Gérard Lévesque

«L’État est tenu d’agir dans le respect de la liberté de conscience et de religion de chacun. C’est un droit fondamental que protègent la Charte des droits et libertés de la personne du Québec (Charte québécoise), et la Charte canadienne des droits et libertés (Charte canadienne). Son corollaire veut que l’État demeure neutre en la matière.»

C’est ce qu’écrit le juge Clément Gascon au tout début de la décision unanime de la Cour suprême du Canada dans le dossier Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), 2015 CSC 16, rendue publique le 15 avril dernier. Voici un résumé des faits.

Alain Simoneau est non croyant. Il assiste aux séances du Conseil de la ville de Saguenay où un règlement municipal prévoit qu’au début des délibérations du conseil, les membres du conseil qui le désirent se lèvent pour prononcer une prière.

M. Simoneau et le Mouvement laïque québécois intentent un recours devant le Tribunal des droits de la personne du Québec contre la Ville et son maire.

Ils allèguent que les intimés ont porté atteinte de façon discriminatoire, au motif de la religion, à la liberté de conscience et de religion de M. Simoneau ainsi qu’à son droit au respect de la dignité. Ils demandent notamment que la récitation de la prière cesse.

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Le Tribunal accueille la demande de M. Simoneau en partie, mais la Cour d’appel du Québec infirme la décision au motif que la teneur de la prière ne viole pas l’obligation de neutralité imposée à la Ville et que, même si la récitation de la prière constituait une entrave aux valeurs morales de M. Simoneau, cette entrave serait négligeable ou insignifiante dans les circonstances.

Contrairement à ce que suggère la Cour d’appel, les juges de la Cour suprême du Canada ne croient pas que l’obligation de l’État de demeurer neutre en matière religieuse soit conciliable avec une bienveillance qui lui permettrait d’adhérer à une croyance religieuse.

«Le parrainage par l’État d’une tradition religieuse, en violation de son devoir de neutralité, constitue de la discrimination à l’endroit de toutes les autres… Si l’État favorise une religion au détriment des autres, il crée en effet une inégalité destructrice de la liberté de religion dans la société… Si, au lieu de réciter une prière, les représentants d’une municipalité déclaraient solennellement que les délibérations du conseil se fondent sur le déni de Dieu, cette pratique serait tout aussi inacceptable.»

Cette décision de la Cour suprême a de grandes conséquences pour les élus au niveau fédéral, provincial, territorial et municipal.

Dans une prochaine chronique, je vais traiter de la jurisprudence ontarienne qui, dans ce dossier, a été prise en considération par le plus haut tribunal du pays.

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Renseignements

Décision de la Cour suprême

Mémoire des appelants (Mouvement laïque québécois et Alain Simoneau)

Mémoire des intimés (Ville de Saguenay et Jean Tremblay)

Mémoires des intervenants :

Tribunal des droits de la personne

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Alliance évangélique du Canada

Ligue catholique des droits de l’homme, Faith and Freedom Alliance et l’Association des parents catholiques du Québec

Canadian Secular Alliance

Association canadienne des libertés civiles

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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