Premier anniversaire de la Révolution du Jasmin

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Publié 13/12/2011 par Bouazza Ben Bouazza (The Associated Press)

à 12h49 HNE, le 17 décembre 2011.

TUNIS, Tunisie – C’est dans une ambiance de ferveur que des milliers de Tunisiens ont commémoré samedi à Sidi Bouzid le premier anniversaire de « la révolution du jasmin », venue à bout du régime de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali, pour devenir le premier soulèvement populaire du « printemps arabe ».

Le 17 décembre 2010, à Sidi Bouzid, ville déshéritée du sud-ouest tunisien, Mohamed Bouazizi, un jeune vendeur ambulant s’était immolé par le feu en signe de révolte contre l’injustice après la saisie par des agents municipaux, de son étal de fruits et légumes qui lui permettait de faire vivre sa famille.

La commémoration de ce geste désespéré, point de départ de la révolution en Tunisie, qui allait inspirer plusieurs pays arabes dont l’Égypte et la Libye notamment, a débuté vendredi à minuit avec un spectacle de bougies scintillantes et de feux d’artifice. Elle a ensuite été marquée par l’inauguration d’un mémorial en souvenir de Bouazizi, une stèle en marbre élevée dans le centre de Sidi Bouzid, représentant la brouette du vendeur ambulant avec à ses côtés des fauteuils vides renversés symbolisant les dictateurs détrônés.

La levée du voile qui recouvrait le mémorial a été fortement ovationnée par une foule dense rassemblée sur la principale artère de Sidi Bouzid devenue « avenue du martyr Mohamed Bouazizi ».

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Dans une image impressionnante, l’assistance tenait à bout de bras un drapeau géant rouge et blanc aux couleurs nationales tunisiennes. Certains brandissaient des portraits de leur « héros » (Bouazizi), d’autres des pancartes chantant la liberté retrouvée.

A la population locale se sont joints des centaines de Tunisiens venus de plusieurs régions du pays ainsi que des personnalités étrangères représentants des pays arabes et occidentaux.

« Sidi Bouzid nous a éclairé la voie pour abattre un régime répressif (de Hosni Moubarak) et jouir aujourd’hui ensemble de la liberté. On espère poursuivre le chemin comme vous pour asseoir un État démocratique », a déclaré à la télévision tunisienne le journaliste égyptien Mustapha Abdallah.

L’écrivaine et militante tunisienne des droits de l’Homme Néziha Réjiba n’a pas pu, elle, dissimuler son émotion devant « la spontanéité » du rassemblement. « Ca nous change de la propagande artificielle qui caractérisait les manifestations de l’ancien régime », s’est-elle réjouie.

Plus connue sous son pseudonyme « Om Ziad », elle s’est félicitée des étapes franchies par la Tunisie de l’après-Ben Ali malgré « les insuffisances qui persistent ». « Il faudra désormais répondre aux attentes de la population, notamment en matière d’emplois et de lutte contre les inégalités », a-t-elle suggéré.

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La nouvelle direction politique issue des élections d’octobre dernier avait tenu à s’associer aux festivités. A sa tête, le président de l’Assemblée constituante Mustapha Ben Jaâfar et un grand nombre des membres de cette institution, le chef de l’État Moncef Marzouki et le chef du gouvernement Hamadi Jebali.

Dans une adresse à la foule, le président Marzouki a rendu un hommage reconnaissant à Sidi Bouzid pour avoir « fait recouvrer sa dignité au peuple tunisien ».

Alors que de nombreuses voix déplorent de ne rien voir venir jusqu’à présent, il a promis de « rétablir la joie de vivre à cette région longtemps marginalisée » et d’oeuvrer à la promouvoir à l’instar des autres régions développées.

La commémoration doit se poursuivre pendant trois jours dans le cadre du « festival international de Sidi Bouzid ». Au programme, plusieurs manifestations retraçant les principaux événements vécus par la région pendant le soulèvement, dont une exposition photos dédiée aux « martyrs de la révolution » et autres rencontres poétiques, cinématographiques et musicales.

L’activiste syrienne Sali Thomas, la Yéménite Samia Ansari et le prix Nobel pour la paix 2011 Carmen Moutawakal, seront de la fête, selon l’agence de presse tunisienne TAP. S’y sont associés aussi les poètes Tamime Barghouthi (Territoires Palestiniens), Hichem El Jakh (Égypte), Abderrahmane Slim Eddhif (Syrie), Aicha Idriss Maghrebi (Libye), Abdelmajid Turki (Yémen) et Abdelmonem El Amir (Irak).

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Pour les cinéphiles, un écran géant devait être installé dans le centre-ville pour la projection en première du nouveau long métrage du cinéaste tunisien Mohamed Zran « Dégage, le peuple veut » et autres films traitant des révolutions.

* * *

Le nouveau président choisit son premier ministre

à 06h55 HNE, le 14 décembre 2011.

Fraîchement investi, le nouveau président tunisien Moncef Marzouki a chargé mercredi le secrétaire général du mouvement islamiste « Ennahdha » Hamadi Jebali de former le nouveau gouvernement.

Selon un communiqué de la présidence diffusé par l’agence officielle TAP, M. Jebali a été désigné en tant que candidat du parti qui a obtenu le plus grand nombre de sièges de l’assemblée constituante issue des élections du 23 octobre dernier (89 sur 217).

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Il est appelé à mener aussitôt des consultations et présenter la composition de son cabinet au chef de l’Etat dans un délai maximum de 21 jours, ajoute le communiqué qui ne précise pas les parties qui seront consultées.

Selon le dirigeant d’Ennahdha Samir Dilou, ce délai sera raccourci en raison des dossiers urgents qui attendent la nouvelle équipe gouvernementale. Il prévoit que celle-ci sera finalisée d’ici la fin de la semaine.

Une fois constitué, le nouveau gouvernement devra obtenir la confiance de la Constituante. Entre-temps, le gouvernement sortant continuera d’expédier les affaires courantes.

Doté de larges prérogatives en vertu de la loi sur l’organisation provisoire des pouvoirs publics adoptée par l’assemblée, le chef du gouvernement sera « le centre du pouvoir exécutif », a estimé le juriste nahdhaoui Habib Khédher, président de la commission qui a concocté cette loi.

Selon des sources concordantes, la plupart des portefeuilles ministériels reviendront à la « Troïka » qui domine l’assemblée, à savoir Ennahdha et ses deux alliés, le Congrès pour la République (CPR/29 sièges) dont est issu M. Marzouki et « Ettakatol » ou Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL/21 sièges) de Mustapha Ben Jaâfar élu, lui, à la tête de la Constituante.

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Tournant historique

Au lendemain de son élection par l’Assemblée constituante, le nouveau président tunisien, Moncef Marzouki, s’était engagé mardi à être «le président de tous les Tunisiens», après avoir prêté serment la main sur le Coran.

«Nous vivons un tournant dans l’histoire de la Tunisie», a-t-il lancé, en insistant sur la nécessité de rompre avec le système «dictatorial» précédent dont il a longuement énuméré les excès. Il en a dénoncé la politique oppressive, la torture, les procès politiques, l’emprisonnement de dizaines de milliers d’opposants et d’islamistes, la corruption et l’atteinte à l’identité arabo-musulmane du pays.

Dans son premier discours à la nation retransmis en direct par la télévision nationale, l’ancien opposant de Zine El Abidine Ben Ali s’est voulu rassurant envers ceux qui ont voté blanc en signe de protestation. Une certaine frange de l’électorat nourrit en effet des appréhensions face à ce qu’elle considère comme une concentration des pouvoirs entre les mains du futur chef du gouvernement, qui devrait être l’islamiste Hamadi Jebali, au détriment du chef de l’État.

Moncef Marzouki a assuré qu’il mènerait des consultations aussi bien avec le gouvernement qu’avec l’opposition, qu’il a invitée à «proposer des solutions» aux problèmes qui se posent.

En tant que fervent militant des droits de la personne, Moncef Marzouki s’est fixé pour objectif «d’asseoir les fondements d’une République civile et démocratique» qui garantit aux Tunisiens le droit à l’emploi, à l’enseignement et à la santé, ainsi que «tous les droits de la femme», notamment l’égalité avec les hommes.

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À l’instar du président de l’Assemblée constituante, Mustapha Ben Jaâfar, il rendu un hommage appuyé à son prédécesseur, Fouad Mébazzaâ, et au premier ministre sortant Béji Caïd Essebsi pour avoir conduit le pays aux «premières élections démocratiques» en Tunisie. Il a aussi salué l’armée et les forces de l’ordre pour leur loyauté.

«Aujourd’hui, nous sommes confrontés à des défis énormes» qui nécessitent des «décisions audacieuses», a-t-il déclaré sur un ton résolu. Il a cité les réformes urgentes que nécessite une situation socio-économique préoccupante dont, en premier lieu, la création du plus grand nombre d’emploi possible pour atténuer le problème du chômage qui affecte plus de 700 000 jeunes, dont quelque 200 000 diplômés de l’enseignement supérieur.

Son programme prévoit également d’encourager les investissements «loin de toute exploitation», de rétablir l’équilibre entre les régions développées et les régions démunies et de conforter l’identité arabo-musulmane, notamment en protégeant les femmes qui portent le voile islamique.

Pour «réaliser les objectifs de la révolution», il a invité les Tunisiens à faire preuve de patience et à ne pas exiger des solutions immédiates.

«Les Tunisiens ont prouvé au monde qu’ils étaient un peuple civilisé et qu’ils ont les compétences et les ressources de relever tous les défis», a-t-il déclaré. «Le monde arabe observe l’expérience tunisienne dont le succès servira de modèle», a-t-il ajouté.

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Il a terminé en s’inclinant, les larmes aux yeux, à la mémoire «des jeunes Tunisiens qui sont tombés sous les balles pendant la révolution pacifique» qui a fait chuter le régime répressif de Ben Ali. «Sans le sacrifice des martyrs de la révolution, je ne serais pas là», a-t-il dit, la gorge nouée par l’émotion.

Le nouveau président devait ensuite se rendre au palais de Carthage, dans la banlieue nord de Tunis, pour y prendre ses fonctions lors d’une cérémonie de passation des pouvoirs avec le président intérimaire sortant, Fouad Mébazzaâ.

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