On vient de ramener le corps d’un soldat, tué en Afghanistan ou en Irak, ou ailleurs. On lui rend les honneurs dus aux héros qui sacrifient leur vie pour une «juste cause». On le pleure et ses copains de régiment ont témoigné de sa bravoure et de son dévouement. Il était sans défaut prêt à aider la veuve et l’orphelin ennemis qu’un destin tragique mettait sur son chemin de guerrier. Il faisait partie d’une unité d’élite où personne n’a jamais torturé un prisonnier pour lui faire avouer le guet-apens qui se prépare.
Bref, c’était un soldat parfait, son cercueil en est un gage. Il a eu bien de la chance d’appartenir à une nation qui a des manières. Il y a des pays sur cette planète où le corps d’un combattant ne reçoit pas tant de considération, finit dans un trou creusé hâtivement et sans personne pour un discours et des larmes.
Mais pourquoi donc devient-on soldat aujourd’hui? Autrefois, la question ne se posait pas – et ne se pose toujours pas dans bien des contrées! On était mobilisé, «appelé sous les drapeaux».
On apprenait immédiatement à ne pas poser de questions. «Pas l’savoir!» était la formule rituelle des réponses à une plainte. On nous disait que nous devions l’obéissance aveugle avant tout. Notre programme de fantassin consistait à apprendre à tuer.
Il y avait des exceptions. Des planqués, qui faisaient leur service militaire comme secrétaires d’un colonel. Dans d’autres armées, certains apprenaient la mécanique ou les transmissions. La plupart tentaient de passer le temps en «faisant les cons». Le service militaire restait, dans son ensemble, une perte de temps, même si, plus tard, on n’en gardait que les souvenirs pittoresques et les bonnes histoires.