Pour l’amour de Beyrouth

Un Libanais dans son appartement faisant face au port de Beyrouth au lendemain de l'explosion. Photo: Twitter
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Publié 25/10/2020 par Natalie El-Rifai

Beyrouth, c’est le genre de ville qui vous frappe tous à la fois.

La senteur de fumée et de citron.

La sensation instantanée de bonheur, de se sentir chez-soi.

Son énergie spontanée et chaotique fait tout son charme. Sa bruyance inexcusable ne cesse jamais, que ce soit à cause d’une discussion politique ou d’une micro-agression en conduisant.

Peuple généreux

J’observe ses habitants qui, souvent joyeux, rient et chantent ensemble tout en partageant une immense quantité de plats délicieux même deux secondes après une dispute pour ensuite se battre à nouveau pour être le premier à payer le chèque.

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Beyrouth raconte une histoire de résilience, autrefois une terre parcourue par d’anciens phéniciens, intellectuels, créatifs, innovateurs, historiens… Tant de pieds ont traversé le Liban, y compris ceux de mes parents.

Comme plusieurs, mes parents ont quitté le Liban pour un pays plus stable, mais avec la promesse d’un retour. Cette promesse reste un murmure éphémère, qui s’affaiblit avec le temps. Une promesse aussi dénuée de sens que la promesse du temps.

Explosion dans le port de Beyrouth

Je ne peux pas exprimer la vague d’émotions que j’ai ressenties le 4 août à 18 heures et 8 secondes. Séparé par un écran de télévision, je vous ai regardé exploser à 11h du matin pendant mon petit-déjeuner.

Il n’a fallu que quelques secondes pour que la vie de chacun de nous change de manière irréversible. Le 4 août, nos cœurs furent brisés en onze secondes. J’aurai voulu vous embrasser, Beyrouth. J’aurai voulu pleurer avec ma famille et mes amies. Je pouvais regarder ce qui est restée de ma ville que sur les réseaux sociaux.

C’est une expérience surréaliste de voir que le lieu de vos meilleurs souvenirs d’enfance, le lieu d’héritage de vos parents, l’histoire de vos ancêtres, votre passé, votre avenir, votre présent et future soient partis en fumées en onze secondes.

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Questions

Qui est à blâmer?

Ceux qui jouissent du matérialisme et qui ne peuvent assouvir leur désir pour la richesse et le pouvoir… notre propre gouvernement, et chacun de ces pays qui profitent de notre instabilité éternelle… notre chagrin éternel.

Comment récupérer ce qui a été perdu? Dites-nous, vous les politiciens, les présidents et les premiers ministres, les Nations Unies avec votre bénévolat sélectif, comment compensez-vous une vie perdue, un frère, une sœur, une mère, une meilleure amie, un voisin, un enfant? Vous avez mis un prix sur nos vies, et ça ne vous coûte pas chère pour vous.

Le coeur du Liban

Ma belle Beyrouth. Je n’ai pas les mots suffisants pour expliquer ta brillance au monde. Au moins, je peux affirmer que même le plus grand désastre au monde ne m’empêcherait pas d’aimer chaque particule de terre qui t’appartient.

Tu es le cœur du Liban et l’ornement du monde pour moi et pour de millions d’autres.

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Tu es la lumière dans nos yeux qui ne s’éteindra jamais.

À travers le verre brisé, nous ramassons les morceaux qui restent de notre pays, nous nous relevons encore. Et encore. Et encore.

Beyrouth, tu es la chaleur de nos cœurs.

Comme un phoenix

Toi, la ville du Phoenix, toujours se relevant, se reconstruisant, toujours la tête haute, tu te remettras de ces cendres.

Toujours grand et fier comme tes cèdres.

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Qu’est-ce qui reste même si ce n’est autre que nos cèdres et notre esprit qu’ils essayent d’atténuer? Rien que le peuple de Beyrouth. Le peuple qui persiste.

Le sourire des Libanais

Les Libanais sont ceux qui préfèrent raconter des histoires toute la nuit au lieu de dormir, ceux qui rient face à la misère.

Le genre de personnes qui ne ferment jamais, jamais la porte à un ami ou même un étranger et qui vous accueille à bras ouverts,

Le genre de personnes avec une brillance incroyable.

Des personnes qui n’arrêtent jamais de commander de la nourriture pour tout simplement passer plus de temps ensemble,

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Des âmes chaleureuses avec une passion pour la vie; il n’y a pas de tragédie qui puisse voler nos sourires et nous rendre froids et indifférents.

Traverser l’enfer avec grâce

Coeur brûlé par la douleur, nous ne cessons de nous relever.

Toujours incompris.

Toujours mal représentés,

Toujours ceux qui traversent l’enfer avec grâce, qui transforme la douleur et le chagrin en une force inconcevable.

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Ceux qui persévèrent.

Notre esprit demeure fort pour l’éternité, tout comme notre destin tragique auquel nous essayons désespérément d’échapper. Peut-être nous resterons comme ça éternellement…

Incertitude et espoir

La vie à Beyrouth est incertaine. En onze secondes, tout peut changer.

Nous sommes fatigués de saisir le dernier fil d’espoir, mais nous gardons espoir quand même. On sourit. On rit.

On discute en partageant de grandes quantités de nourriture. On danse.

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Mais derrière chaque rire, chaque sourire, chaque moment de bonheur, il reste un vide dans nos cœurs que seule Beyrouth peut combler.

Mais on garde l’espoir,

Pour l’amour de Beyrouth.

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