Poinsett, Nicot, Poubelle et leurs amis…

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Publié 17/04/2007 par Martin Francoeur

Vous avez remarqué? Nous avons sauté une semaine dans la dose d’éponymes que je vous administre dans ces pages. Ne m’en voulez pas. C’était pour une bonne cause. Avec le froid et la neige qui n’en finissent plus de finir, je suis allé faire le plein de soleil à quelques milliers de kilomètres plus au sud. Mais je n’ai pas interrompu ma recherche d’éponymes pour alimenter cette chronique.

Pour ceux qui n’ont pas suivi, nous explorons le monde fascinant des éponymes. Ce sont des mots qui sont formés à partir d’un nom propre. Il arrive, en français, que des noms communs aient pour origine le nom d’une personne, d’un personnage mythique ou d’un lieu. On peut ainsi désigner des inventions, des faits, des objets, des lieux, des théories, des arts, des époques, des fleurs, des unités de mesure et bien d’autres choses.

Puisque les découvertes sont nombreuses et que je ne veux pas sabrer dans tant de trouvailles, j’ai choisi de vous les présenter par ordre alphabétique. Nous en sommes aux lettres «n», «o» et «p».

Réglons tout de suite la question des végétaux. Le curieux nom de Poinsett, que vous apercevez dans le titre, est celui de Joel Roberts Poinsett, un botaniste américain qui aurait découvert cette belle plante à fleurs qu’on connaît sous le nom de «poinsettia». La formation de ce nom respecte celle d’autres fleurs comme le dahlia, le forsythia, le bégonia ou le zinnia.

On trouve aussi, parmi les nombreux éponymes attribuables à la mythologie, le «narcisse», qui désigne une plante à fleurs blanches ou jaunes. Le mot vient de Narcisse, un homme qui s’est épris de sa propre image dans la mythologie grecque. En fait ce nom propre a engendré un nom commun qui a deux définitions: celle concernant la fleur, bien sûr, mais celle selon laquelle un «narcisse» est une personne qui s’admire elle-même. La légende veut que Narcisse est mort en s’admirant et la fleur qui porte son nom aurait poussé à l’endroit où il est mort.

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Dans les unités de mesures, on retrouve le «newton», qui mesure la force. Le nom vient de d’Isaac Newton, un mathématicien, physicien et astronome anglais en l’honneur de qui on a nommé cette unité. Il y a aussi l’«ohm», mesurant la résistance électrique. L’unité en question doit son nom à Georg Simon Ohm, un physicien allemand. Il y a enfin le «pascal», nommé en l’honneur du mathématicien, physicien et philosophe français Blaise Pascal. Le «pascal» mesure la contrainte ou la pression.

Les amateurs de bonne bouffe connaissent bien l’«oka», le «parmentier», le «parmesan» et la «praline». L’oka doit son nom à la ville d’Oka au Québec, où se trouve l’abbaye des trappistes qui fabriquent ce fromage demi-ferme. Le mot «parmentier», qui signifie «préparé avec des pommes de terre» comme dans «hachis parmentier» doit son origine à Antoine-Auguste Parmentier, un baron qui a popularisé l’usage de la pomme de terre en France. Le «parmesan» vient de la ville italienne de Parme. Et la «praline» doit son nom au comte du Plessis-Praslin, dont le cuisinier a inventé cette confiserie.

On pourrait ajouter à ces termes de cuisine la «pasteurisation». Ce procédé visant à détruire les bactéries pathogènes qui se trouvent dans un liquide doit son nom à Louis Pasteur, chimiste et biologiste français qui l’a inventé.

En théâtre, la commedia dell’arte nous a donné de fascinants personnages comme Pierrot, Pantalone et Polichinelle. Eh bien les trois ont laissé leur nom à des noms communs: un pierrot (personnage rêveur), un pantalon (culotte longue) et un polichinelle (bouffon).

La «nicotine», qui désigne un alcaloïde du tabac, doit son nom à Jean Nicot. Il s’agit en fait d’un diplomate français qui a introduit le plant de tabac en France. Son compatriote Eugène Poubelle, un préfet de la Seine qui a imposé l’usage de récipients pour les ordures ménagères a vu son nom immortalisé à jamais… On lui doit la «poubelle», évidemment.

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Des noms propres géographiques ont aussi fourni un grand nombre de mots à la langue française. La Perse, qui est l’ancien nom de l’Iran, nous a donné la «pêche».

Le fruit en question viendrait de ce pays. On trouve aussi le «persan», qui désigne une race de chats originaire de ce pays. Et les «persiennes», qui sont en fait un ensemble de lamelles inclinées protégeant du soleil et de la pluie, viendraient de Perse également.

Le mot «phare» vient de l’île égyptienne de Pharos, où on trouvait une tour éclairée à son sommet. Le «parchemin» doit son nom à Pergame, une ville d’Asie où on a inventé la technique de préparation de ces peaux d’animaux traitées de façon qu’on puisse y écrire. Le mot «palais» vient du mont Palatin, une des sept collines de Rome. C’est là qu’Auguste aurait fait construire sa cossue demeure.

Les plus intéressantes découvertes sont celles qui concernent les mots «panique» et «nigaud». «Panique», utilisé pour désigner une terreur soudaine ou une -angoisse, vient de Pan, dieu des bergers et des troupeaux qui effrayait les esprits dans la mythologie grecque. Pour ce qui est de «nigaud», qui désigne quelqu’un de niais ou de sot, il vient de Nicodème, un personnage biblique qui aurait posé des questions naïves à Jésus.

Un mot enfin sur les «oscars». La célèbre récompense cinématographique doit son nom à Oscar Pierce. Qui est-il? Un grand producteur de films? Un acteur célèbre? Un réalisateur? Un mécène? Pas du tout. C’est le nom de l’oncle d’une bibliothécaire (et future secrétaire) de l’Académie. La dame aurait trouvé que la statuette ressemblait à son oncle Oscar Pierce. Tout simplement.

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Peut-être laisserez-vous un jour, sans le savoir, votre nom à un objet…

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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