Poésie symphonique

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Publié 13/02/2007 par Dominique Denis

Au fil des siècles, la pratique de la transcription a fourni l’occasion à des musiciens – tantôt compositeurs eux-mêmes, tantôt chefs d’orchestre ou solistes – d’adapter des œuvres de référence à un autre cadre, en condensant tout le matériau mélodique et harmonique d’une symphonie aux 88 touches du piano (comme Liszt l’a fait pour Beethoven) ou, à l’autre extrême, en rendant explicites les couleurs orchestrales suggérées par une pièce écrite pour le piano, comme en témoigne Children’s Corner (ATMA), qui jette un regard neuf sur le répertoire de Claude Debussy.

Si, dans la première moitié du XXe siècle, une foule de musiciens et pas des moindres – Ravel, Stokowski, Ansermet, Caplet – s’en sont donné à cœur joie avec l’oeuvre pour piano de Debussy, c’est qu’elle portait déjà en elle toute une palette de couleurs châtoyantes, un univers de sonorités et de références thématiques qui invitent aux voyages dans le temps (Six épigrammes antiques) ou vers de contrées inspirant un exotisme qui était de rigueur à l’époque des premières expositions universelles (Tarentelle styrienne, La soirée dans Grenade).

À la tête de l’Ochestre symphonique de Québec, le chef Yoav Talmi a de toute évidence pris grand plaisir à déployer ladite palette, tandis que la flûte, le hautbois et la harpe deviennent des protagonistes à part entière dans le flot d’images qui nous est donné à entendre.

Quant au sublime onirisme de Clair de Lune, restitué ici par deux fois (Stokowski et Caplet), il impose sa délicate transparence avec un tel naturel que l’on serait porté à croire qu’il s’agit de la version d’origine, dont l’incarnation pianistique serait en fait la transcription.

Justice à Rameau

En-dehors du cercle des amoureux de l’opéra baroque, Jean-Philippe Rameau (1683-1764) demeure un de ces musiciens dont le nom nous est familier, mais dont l’œuvre reste méconnue.

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S’il est un(e) pianiste aujourd’hui qui soit capable de rendre au compositeur français la reconnaissance qui lui est due c’est bien Angela Hewitt. Rameau – Keyboard Suites (Hyperion/SRI) nous révèle une œuvre qui est tout sauf monolithique, alternant entre l’évocation de danses (gigue, sarabande, allemande, gavotte) et celle de décors ou de personnages (L’Égyptienne, La Poule) qui font preuve d’une remarquable ingéniosité.

Hewitt y met en évidence non seulement la sublime architecture, mais aussi le tonus rythmique et le vaste langage expressif de Rameau.

Alliant la rigueur du doigté qui avait fait la magie de ses lectures de Bach à la maîtrise des couleurs pianistiques distinguant son intégrale de Ravel, l’artiste originaire d’Ottawa relève brillamment le défi de jouer sur un piano moderne le répertoire conçu pour le clavecin, et justifie pourquoi les lecteurs de la revue britannique Gramophone – la bible des classicomanes – ont sacré Hewitt musicienne de l’année en 2006.

Le paradis à la portée de tous

Avec Aeterna Celesta (ISBA Music), Natalie Choquette boucle la trilogie qui l’a vue quitter ses oripeaux de diva comique au profit d’une démarche plus strictement musicienne.

Si cette transition ne lui a pas aliéné son vaste public, bien au contraire, c’est parce que la soprano québécoise a gardé l’instinct populiste, et ce don de donner au gens ce qu’ils demandent, plutôt que de chercher à imposer un répertoire plus ardu.

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Rassemblant une douzaine de mélodies – pour la plupart archi-connues – sous la vaste bannière de la «spiritualité», Choquette enfile Bach, Mozart, Vivaldi, Handel, Fauré, Duruflé, Rutter et Gorecki, quitte à s’approprier certaines mélodies, comme l’inévitable Canon de Pachelbel, originellement conçu pour un cadre instrumental.

Ceux qui estiment que l’aria qui prend aux tripes ou le sublime adagio sont des plaisirs qui se méritent, risquent de trouver que cette entreprise de vulgarisation trahit le répertoire choisi en le présentant hors contexte, en petites bouchées aisément digestes, et baignant dans le genre d’écho excessif auquel on reconnaît les production nouvel âge.

Mais ces quelques réserves me placent au sein de la minorité, et si Aeterna Celesta suscite quelques vocations au passage tout en donnant un peu de bonheur au plus grand nombre, à quoi bon faire la fine bouche?

Piccolo, saxo et le futur critique

S’inscrivant dans la lignée d’œuvres classiques destinées au jeune public (on pense à Pierre et le Loup de Prokofiev ou The Young Person’s Guide to the Orchestra, de Britten), le magnifique Piccolo Saxo (Universal Special Imports) appartient à l’ère du microsillon… et à mes plus beaux souvenirs d’enfance.

Superbement composée et orchestrée par André Popp (ancien arrangeur d’Aznavour et compositeur de L’amour est bleu) et narrée avec verve par François Perier, cette introduction au monde des instruments qui parlent leur langue musicale tout comme la nôtre n’a rien perdu de son charme. Réédité sous la forme d’un petit livre et remastérisé en 24-bit, Piccolo demeure, près d’un demi-siècle après sa création, un exceptionnel outil pédagogique.

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