Peut-on éviter une sixième extinction des espèces?

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Publié 28/10/2008 par Gabriel Racle

On a beaucoup parlé ces derniers temps d’une sixième extinction. Ainsi, d’après l’Earth Policy Institute, la planète connaîtrait actuellement la sixième grande extinction de son histoire. L’Union internationale pour la conservation de la nature indique que près du quart des espèces de mammifères et une espèce d’oiseau sur huit seraient en danger d’extinction au cours des prochaines décennies.

Cette situation est-elle inévitable? Mais pourquoi parle-t-on d’une sixième extinction? Si la Terre existe depuis 4,55 milliards d’années (Mda), les débuts de la vie sur celle-ci remonteraient à quelque 3,7 Mda. Pendant près de 3 Mda, les bactéries ont occupé tout l’espace disponible. Le développement de la vie sur Terre se situe entre -600 et -520 Ma, selon les calculs des spécialistes. C’est à cette époque que la diversité biologique a littéralement explosé, à partir d’organismes marins complexes.

C’est également à partir de cette période que l’on compte les extinctions de masse «qui ont eut lieu à travers les temps géologiques et constituent un aspect des plus énigmatiques, mais combien passionnant, pour celui qui étudie l’évolution de la vie, de dire Pierre-André Bourque, professeur de géologie à l’Université Laval. On considère que la biodiversité actuelle représente tout au plus 1 % de toutes les espèces qui ont vécu dans le passé, ce qui signifie que 99 % des espèces se sont éteintes», et l’on fait habituellement référence à cinq grandes extinctions.

La première, il y a 445 Ma environ, a fait disparaître près des deux tiers des espèces marines, sans doute par des fluctuations du niveau des océans, causées par des glaciations et un réchauffement. La deuxième, il y a 380 Ma, a causé la disparition de 70 % des espèces, surtout marines, dont les poissons, peut-être, mais ce n’est qu’une hypothèse, du fait d’un refroidissement général et de la chute de plusieurs météorites. Il s’agirait d’une série d’extinctions étalées sur une période de deux à quatre millions d’années.

La troisième, il y a 256 Ma, est la plus grande crise: plus de la moitié des familles d’organismes marins disparaissent et les vertébrés terrestres sont décimés; on estime que près de 90 % des espèces marines et 75 % de la flore et de la faune terrestres ont alors disparu. «Les animaux et la végétation, sur terre comme dans les océans, ont péri durant la même période et apparemment des mêmes causes, à savoir des températures trop élevées et le manque d’oxygène», explique Peter Ward, paléontologue de l’université de l’État de Washington. Des éruptions volcaniques en seraient la cause.

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Quant à la quatrième extinction, datant de 206 Ma, elle a affecté massivement des organismes marins, dont 65 % auraient disparu. Cette crise est la moins connue. On ne sait si elle résulte d’un refroidissement global, d’un impact météorique, d’un surcroît de volcanisme ou d’un changement de la salinité des mers.

Par contre, la cinquième est célèbre, qui s’est produite il y a 65 Ma, puisqu’elle est rattachée à la disparition des grands dinosaures, qui avaient dominé la terre pendant 140 millions d’années, mais aussi de quelque 75 % des espèces à la surface de la planète. N’ont survécu que les petits mammifères terrestres, les plantes terrestres, quelques poissons et coraux. L’impact d’un astéroïde est souvent avancé comme cause de cette extinction. Et l’on a découvert au début des années 1990 un cratère météoritique (astroblème) correspondant en âge à cette période, dans le nord-ouest de la péninsule du Yucatan, au Mexique. Il mesure 260km de diamètre, trois fois celui de Manicouagan au Québec, et une météorite de 10 km de diamètre en serait responsable. De quoi, selon P.-A. Bourque, «perturber sérieusement l’atmosphère terrestre, créer un tsunami important, créer un effet de voile autour de la planète et causer des incendies à l’échelle tout au moins continentale». Et s’y ajouteraient les effets d’un volcanisme exceptionnel.

Cet intéressant survol de l’histoire de notre planète nous donne une idée des obstacles qui se sont dressés sur le chemin de la vie et que celle-ci a surmontés. Mais toutes ces causes d’extinction des espèces étaient d’origine naturelle. La sixième extinction est, elle, d’origine humaine, causée par l’Homo sapiens – vieux de seulement deux cent mille ans – qui domine maintenant la Terre entière. Ce foutu troisième chimpanzé, comme l’appelle l’écologue américain Jared Diamond, a tellement bien réussi qu’il a fait disparaître de nombreuses espèces et qu’il menace sa survie même.

Cette disparition des espèces est-elle inévitable, avec l’accroissement de la population, peut-être 9,3 milliards d’humains en 2050? Dans un article de la PMAS du 15 août dernier, «Where does biodiversity go from here?», les biologistes Paul Ehrlich et Robert Pringle de l’université Stanford, en Californie, pensent qu’il est possible de l’éviter, mais en prenant des mesures draconiennes pour changer les comportements de l’Homo sapiens, qui «narcissique et présupposant sa propre immortalité, maltraite l’écosystème qui l’a créé et le maintient en vie, sans se soucier des conséquences».

Ils préconisent un ensemble de stratégies qui, mises en œuvre judicieusement, «préserveraient une importante partie de la biodiversité planétaire». Il s’agit de mesures pour stabiliser l’expansion de la population et réduire sa consommation de ressources naturelles, dont une bonne partie répond à des besoins non fondamentaux, de gérer convenablement ces ressources, avec l’exemple négatif de la production de biocarburants qui détruit la forêt amazonienne, d’autres zones tropicales ou d’autres cultures.

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Il faudrait tenir compte des services que la biosphère offre gratuitement: des matières premières, des systèmes naturels de filtration des eaux, le stockage du carbone par les forêts, la prévention de l’érosion et des inondations par la végétation, la pollinisation des plantes par des insectes et des oiseaux. Leur coût se chiffrerait en milliards de dollars, qu’il faudrait évaluer dans les calculs économiques pour assurer leur protection. «L’idée que la croissance économique est indépendante de la santé de l’environnement et que l’humanité peut étendre indéfiniment son économie est une dangereuse illusion», disent les auteurs.

S’y ajoutent des mesures pour restaurer des habitats, réintroduire des espèces menacées, éduquer la population, réconcilier les humains avec la nature et changer leurs mentalités. Il faudrait presque citer en entier ce texte, qui devrait inspirer l’action gouvernementale en matière d’environnement, de préservation des ressources, de gestion de l’économie, ainsi que tous les éducateurs et formateurs des jeunes et des moins jeunes, tant la contribution personnelle de chacun et celle des groupes d’action est nécessaire. On peut trouver ce document à: www.pnas.org/content/105/suppl.1/11579.full

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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