Pas d’exemption au cours sur les religions, tranche la Cour suprême

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Publié 17/02/2012 par Fannie Olivier et Martin Ouellet (La Presse Canadienne)

à 16h36 HNE, le 17 février 2012.

OTTAWA – Le fait d’enseigner aux enfants les préceptes des grandes religions du monde ne porte pas atteinte à leur propre liberté de religion ni à celles de leurs parents.

Dans un jugement très attendu au Québec, la Cour suprême du Canada a conclu que l’obligation de suivre le cours d’Éthique et de culture religieuse (ÉCR) offert à travers la province depuis 2008 ne contrevient nullement à la Charte canadienne des droits et libertés.

Elle met ainsi un point final à la saga judiciaire portant sur le controversé programme en rejetant les arguments de parents, donnant plutôt raison à Québec qui refusait les exemptions. Le jugement rendu vendredi est unanime, mais deux des neuf juges ont cependant émis certaines réserves à l’égard du programme.

Deux parents dont les enfants étaient scolarisés à la Commission scolaire Des Chênes, à Drummondville, s’étaient adressés aux tribunaux parce qu’on leur refusait une exemption.

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Les parents, identifiés par leurs initiales S.L. et D. J., prétendaient que le cours violait leur liberté de religion et leur faisait subir un préjudice grave en plaçant les enfants en contact forcé et prématuré avec des croyances qui n’étaient pas celles de la famille. La Cour n’est pas de cet avis.

Aux parents de transmettre la foi

Il revient aux parents de transmettre à leurs enfants leur foi, s’ils le désirent. «Cependant, l’exposition précoce des enfants à des réalités autres que celles qu’ils vivent dans leur environnement immédiat constitue un fait de vie», a écrit la juge Marie Deschamps, au nom de ses collègues.

En d’autres mots, il n’est pas possible d’isoler ses enfants afin qu’ils ne se frottent pas aux réalités des autres.

«Suggérer que le fait même d’exposer des enfants à différents faits religieux porte atteinte à la liberté de religion de ceux-ci ou de leurs parents revient à rejeter la réalité multiculturelle de la société canadienne et méconnaître les obligations de l’État québécois en matière d’éducation publique», a poursuivi la magistrate.

Par conséquent, la commission scolaire n’a pas commis d’erreur en refusant d’exempter les élèves dont les parents le souhaitaient, selon la Cour suprême.

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«Les appelants n’ont pas fait la preuve que le programme ÉCR portait atteinte à leur liberté de religion», a-t-elle tranché.

Éthique et culture religieuse est obligatoire pour tous les élèves du primaire et secondaire depuis septembre 2008. Il remplace le défunt cours d’enseignement religieux catholique et protestant, et son alternative, l’enseignement moral.

Avant même que le cours fasse son entrée sur les bancs d’école de la province, la ministre de l’Éducation d’alors, Michelle Courchesne, avait déclaré qu’aucune exemption ne serait permise. La Cour supérieure et la Cour d’appel avaient toutes deux rejeté les arguments des parents et donné raison à Québec.

Anti-démocratique, selon les parents

S. L., la mère de confession catholique qui a porté sur ses épaules la cause, a confié trouver «décevant» et «anti-démocratique» le fait de ne pas avoir son mot à dire dans l’éducation de ses enfants. Elle a tenu à souligner en conférence de presse à Montréal qu’elle était en faveur de l’ouverture aux autres, mais pas par n’importe quel moyen.

«Ce cours n’est pas neutre, mais avant tout, il amène de la confusion chez mes enfants», a-t-elle répété. Il faut noter cependant qu’elle poursuivait cette bataille de façon théorique, parce que son enfant le plus vieux a depuis terminé le secondaire et que son plus jeune a été transféré dans une école privée qui n’offre pas le cours d’ÉCR.

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«Jusqu’où devrons-nous aller pour se dire accueillants et tolérants? De là à en perdre notre identité propre?», s’est-elle demandé.

Son avocat Mark Phillips a pour sa part insisté sur l’opinion complémentaire des juges Louis Lebel et Morris Fish, qui émettent des réserves quant au contenu du cours. Ces deux juges ont même ouvert une porte en affirmant qu’il «se peut que la situation juridique évolue au cours de la vie de programme ÉCR». Pour cela, M. Phillips va jusqu’à déclarer «match nul» et à envisager qu’une nouvelle contestation pourrait, elle, être «couronnée de succès».

Le cours d’ÉCR fait par ailleurs l’objet d’une autre contestation devant les tribunaux, Québec ayant porté en appel une décision de la Cour supérieure permettant à l’école secondaire privée catholique Loyola High School à Montréal de ne pas offrir le programme.

Québec satisfait

Le gouvernement Charest a quant à lui applaudi le jugement. La décision du tribunal confirme hors de tout doute les mérites pédagogiques du cours, s’est réjoui la ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, à l’occasion d’un entretien avec La Presse Canadienne.

Selon Mme Beauchamp, les magistrats ont reconnu que le cours d’éthique et de culture religieuse, loin d’endoctriner les élèves, favorise plutôt le «vivre ensemble» et la tolérance «dans une société de plus en plus diversifiée».

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Le cours d’ÉCR avait suscité la grogne de nombreux parents lors de son introduction alors que 1645 demandes de dérogation avaient été formulées la première année.

Mais la controverse s’est apaisée au fil des ans. En 2011-2012, seulement une cinquantaine de parents ont soumis une requête en dérogation.

La ministre Beauchamp y voit la preuve que l’enseignement prodigué dans le cours suscite de plus en plus d’adhésion chez les parents. Environ un million d’élèves vont à l’école primaire ou secondaire au Québec.

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