Le symbole de la fête chrétienne de Pâques reste fort

Regard d’un sociologue

Le dimanche de Pâques, la chrétienté célèbre la résurrection de Jésus crucifié le vendredi.
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Publié 10/04/2020 par Ericka Muzzo

Historiquement religieuse, la fête chrétienne de Pâques est aujourd’hui dominée en grande partie par son aspect commercial. Le chocolat a pris le dessus sur le jeûne du Vendredi saint et la messe dominicale. Cependant, le congé pascal n’a pas forcément perdu toute sa symbolique.

Martin Meunier, professeur de sociologie des religions à l’Université d’Ottawa, répond aux questions de Francopresse.

Martin Meunier

Au 21e siècle, l’ascension est-il une fête religieuse ou commerciale?

Cela varie énormément, non seulement d’un pays à l’autre, mais également au sein du Canada où le rapport aux pratiques religieuses diffère selon les régions.

Au cours des 20 à 30 dernières années, la tradition de Pâques est devenu de plus en plus commercial et familial, au détriment de la religion. L’un des indicateurs est la baisse considérable du taux de fréquentation des messes et offices, qui est passé de 50% à 20%.

Un autre exemple très concret: ce qui est projeté à la télévision durant le congé pascal. Il y a 15 ans, on trouvait beaucoup plus de films religieux. Aujourd’hui, s’il y en a, ce sera sur des canaux spécialisés ou à des heures de faible écoute.

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Est-ce que le Lundi de Pâques a perdu tout son sens?

Tout le monde sait très bien qu’il y a une disjonction entre le sens «idéal» de la tradition Pâques, celui qu’avait la fête religieuse historiquement, et le sens qu’on lui donne avec le chocolat, les cocos, la famille, le jambon, etc. Cette distance-là se creuse année après année.

Mais les congés, comme le congé pascal, permettent de périodiser le temps social; ce sont des marqueurs temporels. Aujourd’hui, le Lundi de Pâques symbolise un peu le retour du printemps. C’est le pont entre l’hiver, où on est isolés et encabanés, et le printemps où on peut enfin sortir, se regrouper!

C’est aussi un symbole de résurrection, d’être sauvés, d’espérance.

Si de plus en plus de gens s’éloignent du sens religieux de la signification biblique de Pâques, notamment puisque le Canada devient de plus en plus multiculturel, pourrait-on un jour considérer revoir le congé pascal et le rendre plus flexible?

Les congés, c’est sacré: on n’y touche pas! Toucher aux congés, c’est toucher à l’ordre social dans son fonctionnement le plus culturellement institué. Il y a toujours un caractère conventionnel aux congés, issu d’un monde de traditions.

Si le premier ministre se levait et disait «Comme il n’y a plus beaucoup de chrétiens, j’ai pensé que l’année prochaine, la tradition de Pâques ne sera pas fêté, tout le monde travaillera le vendredi et le lundi», il viendrait bouleverser l’ordre social qui est en jeu au cœur même du congé.

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Le congé institue l’ordre social comme on veut qu’il soit; s’attaquer à un congé, c’est s’attaquer à l’ensemble de l’ordre social et aux repères.

Cela dit, plusieurs organisations prennent en compte les différences religieuses et ont aménagé des congés flottants de façon à ce que chacun et chacune puisse célébrer les fêtes de leur propre religion.

Il y a un assouplissement qui s’est fait, surtout depuis 10 ans. Mais ceux et celles qui ne bénéficient pas de tels accommodements doivent malheureusement en pâtir et se voir imposer une fête qu’ils ne voudraient pas nécessairement.

En 2014, le Cocothon de Laval a fait couler beaucoup d’encre, l’évènement ayant tourné à la quasi-émeute. Qu’est-ce que cela révèle de notre société?

Je pense que c’est révélateur de la fragilité de nos rituels religieux. La raison pour laquelle Pâques et autres fêtes religieuses sont encore célébrés, c’est parce que nos rituels sont fragiles. Tenter d’en instituer de nouveaux demande énormément de précautions.

La chasse aux œufs de Pâques n’est pas un nouveau rituel. Mais, l’organisatrice a tenté de l’ouvrir à la communauté et l’administration lui a échappé. Elle n’a pas organisé ça pour que les gens se volent des cocos et se battent entre eux. Ce n’était pas ça du tout l’idée. Mais, tout à coup des tendances agressives se sont manifestées chez les participants, détournant complètement le sens que l’organisatrice voulait donner à la fête, au rituel.

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Si on est aussi conservateurs en matière de rituels, c’est parce qu’il est difficile d’en instaurer de nouveaux. Si ça fonctionne de nous réunir tous ensemble à Pâques, on va continuer de le faire. Changer la fête pour une autre, ça peut briser l’ordre dans lequel. Donc, on conserve la tradition de Pâques à défaut de mieux.

C’est très difficile pour une société, surtout une société qui n’est pas unifiée, de proposer de nouveaux rituels, de nouveaux moments qui seraient fêtés par le plus grand nombre.

Est-ce que les Canadiens seraient capables d’actualiser la Pâques?

C’est l’élément de doctrine le plus important du christianisme, je pense que c’est trop gros. Je ne crois pas que, de notre vivant, nous allons voir ça.

Nous allons plutôt voir une fête de Pâques qui va devenir de plus en plus spécialisée pour ceux qui s’y identifient et une fête de Pâques qui va rester un congé pour tous et qu’on va être heureux de prendre malgré tout, qu’on soit croyant ou non.

Auteur

  • Ericka Muzzo

    L’Initiative de journalisme local est financée par le gouvernement du Canada et gérée par l'Association de la presse francophone.

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