Ottawa bilingue: la politique partisane passe avant ce qui est juste

Un bon millier de francos dans les rues d'Ottawa. (Photo: Jean-Philippe Héroux)
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Publié 06/06/2017 par Stewart Kiff

Manifester donne des résultats.

Quelle autre conclusion pouvons-nous tirer suite au dépôt à Queen’s Park, le 31 mai dernier, d’un projet de loi qui vise à modifier la Loi sur la Ville d’Ottawa pour y inclure le règlement actuel de la Ville sur l’administration et les services bilingues?

Ce n’est sûrement pas le fruit du hasard si la députée d’Ottawa-Vanier, Nathalie Des Rosiers, a hâtivement convoqué une conférence de presse à Queen’s Park pour présenter son projet de loi d’intérêt privé seulement quelques heures après que quelque 1 200 manifestants, principalement des élèves du secondaire, se soient rendus à l’Hôtel de Ville pour appuyer le mouvement Ottawa ville bilingue.

L’enjeu n’est certainement pas nouveau. Les leaders francophones d’Ottawa, de l’Ontario et du Canada, ainsi que des groupes comme Dialogue Canada, ont réclamé à maintes reprises que la capitale nationale devienne officiellement bilingue. Ils ont multiplié leurs revendications au cours des 18 derniers mois dans l’espoir d’obtenir une forme quelconque de bilinguisme officiel pour la Ville d’Ottawa dans le cadre du 150e anniversaire de la Confédération canadienne.

Nathalie Des Rosiers a succédé à Madeleine Meilleur comme députée d'Ottawa-Vanier à Queen's Park.
Nathalie Des Rosiers.

Une demi-page

Le projet de loi de la députée Des Rosiers n’a pas non plus exigé d’innombrables heures de travail juridique. Il tient sur une demi-page et change peu de choses, se contentant de rehausser quelque peu le statut d’un règlement existant. En effet, comme l’a souligné David Reevely dans le Ottawa Citizen, «le projet de loi de Nathalie Des Rosiers contient à peu près la plus petite quantité d’action possible. Moins que ça et il n’y aurait pas matière à écrire un projet de loi».

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Qui plus est, le projet de loi a été présenté la veille de l’ajournement de l’Assemblée législative pour l’été, de sorte qu’il ne pourra pas être adopté avant l’automne – encore que ce soit loin d’être garanti, vu l’état actuel des choses à Queen’s Park.

Alors que huit projets de loi émanant des députés et députées sont normalement adoptés au cours de chaque session législative – quatre provenant du parti au pouvoir et deux de chacun des partis d’opposition –  aucun n’a été adopté pendant la session qui vient de se terminer.

Déficit de volonté politique

Si le gouvernement Wynne était véritablement déterminé à améliorer le statut du bilinguisme à Ottawa, il aurait pu agir il y a longtemps. L’ancienne députée d’Ottawa-Vanier, Madeleine Meilleur, qui était Procureure générale et ministre des Affaires francophones, aurait été en mesure de présenter un projet de loi bien avant qu’elle ne quitte la politique en juin 2016.

À titre de leader parlementaire du gouvernement, le Procureur général actuel et député d’Ottawa-Centre, Yasir Naqvi, aurait pu le faire au cours de la dernière année. Bien sûr, cela n’aurait pas plu au maire Jim Watson, lui-même ancien ministre libéral de l’Ontario, qui se montre peu ouvert sur la question.

Même à cette date tardive, les Libéraux auraient pu opter pour un processus rapide en présentant un projet de loi gouvernemental plutôt qu’un projet de loi d’intérêt privé. Comme les deux partis d’opposition se sont dits en faveur d’une reconnaissance d’Ottawa en tant que ville bilingue, un projet de loi du gouvernement aurait pu être adopté seulement quelques heures après son dépôt, et donc à temps pour l’anniversaire de la Confédération, le 1er juillet. De cette façon au moins, ce qui est en grande partie un projet de loi symbolique aurait eu plus de sens.

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Élections en juin 2018

Mais comme toujours, les gouvernements, en particulier lorsque les élections sont à portée de main, font de la politique partisane avec des enjeux qui devraient être non partisans.

C’est pourquoi seuls des députés libéraux étaient présents pour se faire photographier à la conférence de presse de Nathalie Des Rosiers. Inviter les leaders des partis d’opposition leur aurait donné de la visibilité. Pas question pour les Libéraux de permettre cela, surtout pas quelques jours seulement après que le chef conservateur Patrick Brown – qui parle français et qui cherche à rapprocher son parti de la communauté franco-ontarienne – ait évincé du parti le député de Carleton-Mississippi Mills, Jack MacLaren, sur la base de ses propos anti-francophones.

Les Libéraux ont plutôt choisi de rehausser le profil de la nouvelle députée Nathalie Des Rosiers, renforçant ses réalisations en prévision des élections de l’an prochain.

Et cela a fonctionné. Mme Des Rosiers est rentrée à Ottawa quelques heures après le dépôt de son projet de loi, juste à temps pour se faire ovationner dans le cadre d’un rassemblement en faveur d’Ottawa ville bilingue.

Égalité formelle

Et cela, même si son projet de loi ne répond que très partiellement aux objectifs du groupe Bilingual Ottawa Bilingue, soit de reconnaître explicitement l’égalité du statut du français et de l’anglais au sein de la Ville d’Ottawa, et de créer un mécanisme formel pour assurer une surveillance et un suivi proactifs de la politique et la loi.

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Avis donc aux promoteurs d’Ottawa ville bilingue. Sur cette question comme sur d’autres, les gouvernements agiront pour des raisons politiques et non pas parce qu’il serait logique et juste de rendre la capitale nationale officiellement bilingue en ce 150e anniversaire de la Confédération.

C’est pourquoi il faudra continuer à manifester.

Auteur

  • Stewart Kiff

    Président de Solstice Affaires publiques et lobbyiste enregistré auprès du gouvernement de l'Ontario pour d'importants organismes franco-ontariens.

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