Obama: la lune de miel est-elle terminée?

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Publié 10/02/2009 par Claude Fugère

Tous s’entendaient pour dire que l’élection de Barack Obama était une bouffée d’air frais dans une économie américaine moribonde. En effet, plusieurs d’entre nous le voyait comme un sauveur qui trouverait la recette miracle pour ramener les États-Unis sur le bon chemin. Or, il semble que la question des investissements promis par le «Plan Obama» jette du sable dans l’engrenage et que certaines de ses visions protectionnistes ne font pas l’unanimité.

Obama a vécu tout récemment son premier revers au Congrès. Bien qu’ayant une confortable majorité à la Chambre des représentants (244 Démocrates vs 188 Républicains), 10 Démocrates de même que l’ensemble des représentants républicains ont voté contre le fameux plan qui a tout de même été adopté. Donc, son appel à l’unité nationale s’est soldé par un échec pour ce plan de relance et d’investissements qu’il qualifiait de «question de vie ou de mort» pour l’économie américaine. Le plan, le plus colossal de l’histoire des États-Unis, implique 819 milliards de dollars américains d’investissement, montant qui pourrait être revu à la hausse au Sénat.

La raison de ce revers est simple. Il se murmure dans les couloirs du Capitole qu’Obama tente de recréer un plan qui ressemble à celui qui a été mis en place après le crash boursier de 1929. En effet, ce plan avait pour but de protéger les entreprises et les travailleurs américains des effets de la crise et de la concurrence étrangère, en imposant la plus forte hausse des frais de douane de l’histoire du pays sur plus de 900 produits. L’effet de ces mesures a déclenché une guerre commerciale générale et a contribué à la Grande Dépression.

Les démocrates demandent, entre autres, que seul de l’acier américain soit utilisé pour les projets d’infrastructures financés par l’État (on parle de 85 milliards $). Ceci n’est pas vu d’un bon œil par le Canada, partenaire économique de longue date et dont 40 % des 13 milliards $ produits par son industrie sidérurgique sont habituellement achetés par leurs voisins américains.

Par ailleurs, on demande aussi à ce que tous les uniformes utilisés par les fonctionnaires du pays soient achetés au pays. On veut aussi que les logiciels et le reste du matériel nécessaire pour informatiser le système de santé soient achetés aux États-Unis. On suggère même que tous les contrats passés par le fédéral et financés par le plan de relance économique soient octroyés à des firmes américaines dont les usines se trouvent aux États-Unis.

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Cette position, grandement défendue par les lobbies et les syndicats, est justifiée par le fait que d’autres nations ont adopté des mesures similaires. On a qu’à penser à l’Inde, à l’Indonésie, le Brésil, la Russie, la France et même l’Union Européenne qui vient de recommencer à subventionner l’exportation de produits laitiers.

Cela entraîne des inquiétudes au forum économique mondial de Davos, où l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a mis en garde les pays contre le «protectionnisme qui entraîne le ralentissement de la croissance». On tente ici d’éliminer le potentiel de guerres commerciales comme avant la Deuxième Guerre mondiale. Et pour la première fois depuis 1982, on prévoit une baisse (-2,1 %) du commerce mondial pour 2009.

Cette prise de position ne fait pas l’affaire de tous les Américains. En effet, plusieurs multinationales dont Caterpillar, General Electric, Boeing et Microsoft sont cosignataires d’une lettre qui a été envoyée au Congrès américain et qui met en garde le gouvernement sur le risque, mais aussi les conséquences, des représailles qui pourraient suivre l’instauration de mesures protectionnistes.

De plus, les relations économiques sont plus tendues avec la Chine, que les États-Unis ont accusé de contribuer à la crise en maintenant artificiellement sa devise à un niveau bas de telle sorte qu’elle favorise les exportations tout en limitant les importations. La Chine rétorque que le modèle économique américain, reposant sur un taux d’épargne très bas et une consommation très élevée, n’était pas viable.

Ces relations, un des piliers de l’économie mondiale, pourraient donc se détériorer, d’autant plus que certains partisans d’Obama adhèrent à l’idée que l’accord de Clinton afin de permettre l’adhésion de la Chine à l’OMC en 1999 a été une erreur.

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Les opinions à ce sujet dans l’équipe d’Obama sont partagées, notamment chez ses principaux conseillers qui ne sont pas favorables au protectionnisme. Par contre, Obama avait promis de réexaminer les accords de libéralisation du commerce lors de sa campagne, y compris l’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain) signé par Clinton en 1993.

En somme, il est évident qu’Obama et certains membres de son parti semblent intéressés à ajouter un volet protectionniste à une économie américaine anémique. Or, la peur de représailles de partenaires économiques majeurs, ainsi qu’une opposition à ce principe marquée chez ses principaux conseillers pourrait le faire reculer.

Le Congrès, quant à lui, lui a clairement montré que ce n’est pas le type de solution qu’il appuie sans retenue. Il lui serait malvenu de procéder ainsi alors qu’il a besoin d’un pays soudé. Obama usera-t-il de son pouvoir afin d’aller de l’avant avec cette idée qui, économiquement, semble faire du sens en théorie, mais qui serait dévastatrice en pratique? Seul l’avenir nous le dira…

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