Nunavois ou Nunavutois?

«À Rome, on fait comme les Romains»

Iqaluit Nunavut
Une partie d'Iqaluit, la capitale du Nunavut. (Photo: Joamie Hill)
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Publié 04/06/2020 par Gabrielle Poulin

La communauté francophone du Nunavut insiste auprès de Radio-Canada pour qu’on désigne les habitants du territoire comme on les appelle ici: des Nunavois, et non des Nunavutois, comme on s’est mis à l’écrire à la société d’État.

Le débat a été soulevé par le lancement de la page Facebook Ici Nunavut de Radio-Canada.

Plusieurs articles utilisant ce terme ont rapidement provoqué des réactions chez les Franco-Nunavois. De nombreux commentaires ont émergé pour reprendre Ici Nunavut sur ce gentilé peu utilisé par les francophones du territoire.

«On dit Nunavois», commente Maxime Joly, ancien directeur général de l’Association des francophones du Nunavut (AFN). «Ou Nunavummiut», ajoute pour sa part François Fortin, membre de l’AFN.

D’autres vont à leur tour citer des ressources linguistiques nunavoises. Charles Lagacé, fier Franco-Nunavois, précise qu’«à Rome, on fait comme les Romains, et au Nunavut, on fait comme les Nunavummiut, ou Nunavois», en faisant allusion à l’importance de baser les décisions linguistiques sur ce qui est dit et fait localement.

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La page Facebook d’Ici Nunavut

Des ressources contradictoires

Ici Nunavut a répondu aux commentaires en expliquant privilégier le terme Nunavutois, tel que recommandé par l’Office québécois de la langue française (OQLF).

En effet, selon l’OQLF, «le terme Nunavois n’est pas retenu puisqu’il ne correspond pas à la morphologie du toponyme Nunavut et qu’il pourrait laisser supposer à tort qu’il fait référence aux habitants du Nunavik, région qui est située au nord du Québec».

La fiche, qui date de 2005, explique également que les termes Nunavummiuq (singulier) et Nunavummiut (pluriel) sont des emprunts à la langue inuktitute, et que, puisque l’OQLF favorise l’implantation de termes qui sont conformes aux règles de composition et de dérivation du français, ces formes ne sont pas privilégiées.

Le Bureau de la traduction du Canada propose quant à lui le terme Nunavois. Il ajoute d’ailleurs comme remarque que «le nom Nunavois/Nunavoise a été créé par l’Association des francophones du Nunavut, organisme qui représente les Franco-Nunavois depuis le début des années 1980».

Selon la fiche, l’emploi du nom Nunavutois/Nunavutoise n’est plus recommandé.

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Pour ce qui est des ressources locales, le gouvernement du Nunavut fait usage des termes Nunavois/Nunavoise et Nunavummiuq/Nunavummiut pour désigner les habitants du Nunavut, de même que le Bureau de la Commissaire aux langues du Nunavut.

Nunavut
Le territoire du Nunavut.

Le choix de la communauté

Pour Nadine Vincent, professeure à la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université de Sherbrooke, s’en remettre à l’OQLF pour ce genre de questions est, de manière générale, une bonne solution. «Il ne faut pas multiplier les dénominations sous peine de ne plus s’y retrouver», explique-t-elle.

Elle ajoute toutefois que l’OQLF ne détient pas la vérité absolue et que c’est un organisme en lien avec sa société qui adapte ses positions en fonction de l’évolution de celle-ci. Elle donne comme exemple une révision actuellement en cours pour tous les gentilés touchant les Autochtones et leurs territoires, en précisant que plusieurs fiches datent encore dans leurs adaptations linguistiques.

«Pour ce qui est de la dénomination des communautés, je pense que le choix de ces dernières devrait toujours avoir préséance, si ce choix respecte les règles morphologiques du français, et ne crée pas d’ambiguïté avec d’autres communautés ou d’autres dénominations existantes», affirme la professeure.

Ainsi, selon elle, si tous les francophones du Nunavut se nomment entre eux Nunavois, ce devrait être le gentilé reconnu. Le journal francophone du Nunavut se nomme d’ailleurs Le Nunavoix

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Des médias du Grand Nord: L’Aurore boréale du Yukon, L’Aquilon des Territoires du Nord-Ouest, Le Nunavoix du Nunavut.

Écrire pour être compris

D’un point de vue spécifiquement journalistique, Mme Vincent explique l’opposition fréquente entre ce qu’on appelle les normes prescriptives et les normes communicationnelles, soit entre le respect des règles de français et ce qu’il faut dire pour se faire comprendre.

«Un des objectifs de l’écriture journalistique étant la lisibilité, le journaliste optera souvent pour les normes communicationnelles pour s’assurer que son message est bien reçu [et] que ses lecteurs s’intéressent au contenu de son texte plutôt que de buter sur les mots qu’il emploie», détaille-t-elle.

En tant qu’entité publique et nationale, Radio-Canada a des règles linguistiques spécifiques à suivre pour soutenir «un journalisme de qualité». Représenter linguistiquement les quelque 600 francophones du Nunavut par le gentilé de leur choix n’est donc pas aussi simple.

Comme réponse aux critiques de la communauté francophone, Ici Nunavut laissait en commentaire Facebook: «Nous prenons bonne note de vos commentaires et faisons actuellement le suivi sur ce dossier avec le Bureau linguistique de Radio-Canada, qui se charge de toutes les questions linguistiques et terminologiques.»

Pour le moment, Ici Nunavut fait toujours l’usage du gentilé Nunavutois dans ses articles.

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Une communauté fière

Si ce débat a prouvé une chose, c’est bien que les francophones du Nunavut sont fiers de leur identité nunavoise.

Pour Mylène Chartrand, présidente de l’AFN, la passion de la communauté est palpable. «Je suis contente de voir la fierté des Franco-Nunavois et leur sentiment d’appartenance et identitaire se manifester», affirme-t-elle. «On voit que ça leur tient à cœur et que n’écrit pas qui veut sur le Nunavut.»

Elle ajoute aussi qu’il y a énormément de subtilités et de sensibilités à considérer lorsqu’on parle du Nunavut et de ses habitants.

Très récemment, Radio-Canada embauchait une nouvelle journaliste pour traiter de l’actualité locale en français. «Nous saluons la venue d’un nouveau poste de journaliste francophone de Radio-Canada sur place à Iqaluit pour desservir notre communauté», conclut la présidente de l’AFN.

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