En France, il est de rigueur pour toute actrice digne de ce nom de s’improviser chanteuse, et pour toute chanteuse de s’aventurer un jour ou l’autre devant les caméras. On pourrait jeter la faute sur Gainsbourg (lui qui avait fait chanter Bardot, Anna Karina, Birkin, Adjani et Deneuve), mais la tendance remonte beaucoup plus loin, à Piaf, Montand et même avant.
Dans le cas qui nous intéresse, celui de Sandrine Kiberlain, qui nous arrive avec Manquait plus qu’ça (EMI), l’homme à la tête de chou n’y est pour rien. Et celui qui lui a ouvert quelques portes, Alain Souchon, est plus collaborateur que Pygmalion, ayant été séduit par les textes que lui a soumis la jeune actrice, au point d’en mettre trois en musique.
Embrigadé dans l’entreprise, son fils Pierre Souchon y est allé de cinq collaborations, dont le ravissant Y’a du monde coulé dans le moule paternel. Ajoutez-y quelques mélodies langoureuses signées Camille Bazbaz et une reprise on ne peut plus «frenchy» du classique Girl des Beatles (avec les Souchon en choristes de luxe), et vous tenez là un premier album qui intrigue et séduit.
En jouant sur la légèreté du propos et de la voix, Sandrine s’amuse de ses ambitions («Elle fait sa Carla, elle fait sa Vanessa/Elle va donner d’la voix/Des paroles à tout va/Manquait plus qu’ça»), ou encore de sa dégaine particulière («Faut m’aimer sacrément/Pour trouver que godiche/Ça me va comme un gant») et nous rend irrésistible un album qui n’aurait pu être qu’amusant ou, au pire, agaçant.
Pour Sandrine comme pour nous, Manquait plus qu’ça relève du plaisir coupable, et il est clair qu’elle devra s’affranchir de l’influence de Souchon si elle compte aller au-delà de ce petit numéro de charme pour s’inscrire dans la durée.