Nouveaux mots: les dictionnaires se mettent au vert

De locavorisme à bioplastique, en passant par éco-anxiété, les pages des dictionnaires se mettent à l'heure des préoccupations pour l'environnement et le climat. Photo: Maryne Dumaine, L’Aurore boréale
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Publié 14/01/2020 par Maryne Dumaine

De locavorisme à bioplastique, en passant par éco-anxiété, les pages des dictionnaires se mettent à l’heure des préoccupations pour l’environnement et le climat.

Chaque année, les dictionnaires incluent une centaine de nouveaux mots. Puisqu’en 2019, plusieurs juridictions ont décrété l’«urgence climatique», voici quelques tendances du vocabulaire vert des dictionnaires.

Portrait de l’évolution…

En regardant les deux dernières décennies vocabularienne [néologisme], il est possible de saisir un portrait de l’évolution de nos sociétés.

Bernard Cerquiglini, éminent linguiste français, décrit ce phénomène dans le communiqué de presse de l’éditeur Hachette Québec: «Le néologisme rend compte de l’évolution du monde.»

«Une nouvelle édition [du dictionnaire] nous renseigne sur l’état actuel du lexique; elle nous informe également sur nos pratiques, nos idées, nos mœurs, et sur leur mutation.»

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… ou moteur de l’évolution?

Selon lui, certains mouvements se sont amorcés grâce au vocabulaire. «Le néologisme est alors un signe avant-coureur, le dictionnaire, un sismographe», affirme-t-il.

En effet, si l’on se penche sur les deux dernières décennies, les tendances environnementales sont apparentes.

En 2004, le terme commerce équitable entrait dans le dictionnaire.

L’année suivante, c’est altermondialisme qui a rejoint les pages du Petit Larousse.

Écocitoyen arriva en 2006, collecte sélective en 2009, autopartage et écoquartier en 2011.

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Gaz de schiste ou gaz de shale, et bisphénol A (utilisé dans les plastiques et les résines) rejoignent les rangs en 2013.

C’est suivi de climatosceptique en 2014. Le Wiktionnaire accepte son adversaire réchauffiste ou climatocrédule.

En 2015, agroécologie, bioéconomie, obsolescence programmée et zénitude (sérénité) sont consacrés.

Ce n’est qu’en 2016 que la transition énergétique et le financement participatif entrent dans le vocabulaire planétaire officiel. Suivis en 2017 par covoiturer et antisystème.

En 2018, le continent de plastique faisait surface (concentration invisible mais élevée de microplastiques dans l’océan Pacifique), de même que le glyphosate (herbicide) et la permaculture (production agricole durable).

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Enfin, en 2019, c’est l’envolée lyrique avec croissance verte, écotoxique, fait alternatif, microhabitat, flexitarisme (végétarisme moins strict), ainsi que principe pollueur-payeur.

Les tendances sociales aussi évoluaient, comme le démontrent les termes de communication non violente, éducation positive, mais aussi sans-abrisme

2020

Au palmarès des nouveaux mots de 2020, l’environnement conserve une place de choix.

Dans les pages du Petit Larousse entrent cette année les mots:

bioplastique (plastique biodégradable, issu de ressources renouvelables ou non, et plastique non biodégradable, bien qu’issu de ressources renouvelables),

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dédiésélisation (ensemble des actions visant à réduire la proportion de véhicules fonctionnant au diésel dans le parc automobile),

et locavorisme (mouvement préconisant la consommation d’aliments issus de la production locale).

Le Petit Robert, lui, inclut l’agrobusiness ainsi que le danger des microbilles et de la neige industrielle (appelée aussi neige de pollution ou neige urbaine).

L’écopâturage et le zéro déchet démontrent eux aussi des tendances environnementales.

En anglais

En anglais aussi, plusieurs nouveaux mots sont verts. Le dictionnaire britannique Oxford a désigné climate emergency comme «terme de l’année», tandis qu’il incluait dans ses pages:

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climate denial (déni de l’urgence ou de la responsabilité humaine dans les changements climatiques),

eco-anxiety (anxiété générée par les menaces, réelles ou imaginaires, qui pèsent sur la planète),

ecocide (destruction délibérée de l’environnement),

ainsi que flight shame (honte ou réticence à utiliser l’avion dans ses déplacements en raison de sa pollution).

Tendances inquiétantes

N’oublions pas que notre société utilisera également désormais des termes officiels tels que le sigle OVM (organisme vivant modifié), ainsi que survivalisme (activités d’individus qui se préparent à une catastrophe, naturelle ou autre, à l’échelle locale ou mondiale).

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Parmi les nouvelles tendances sociales, on trouve:

le spécisme (idéologie qui prône la supériorité d’une espèce sur les autres, dans la plupart des cas à l’avantage de l’espèce humaine)

et le suprémacisme (idéologie basée sur une prétendue supériorité d’un groupe humain sur un ou plusieurs autres)…

contrebalancés par la notion de doxocratie (système politique où l’opinion publique occupe une place essentielle dans les prises de décisions).

Enfin, on peut noter que, bien que la jeune militante suédoise Greta Thunberg soit «la personnalité de l’année» du magazine Times, elle ne fait pas encore partie des noms propres des dictionnaires. Ce sera probablement pour 2021…

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