Non-violence: mode d’emploi

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Publié 19/01/2010 par Vincent Muller

«La fin ne justifie pas n’importe quel moyen», selon le philosophe Ramin Jahanbegloo, qui a effectué de nombreux travaux sur les sources philosophiques de la non-violence et sur la pensée gandhienne. Professeur de Science politique à l’Université de Toronto, il animait, dans la soirée de mercredi dernier à l’Alliance française, une conférence portant sur la culture de la non-violence et son application dans nos sociétés.

Au vu du nombre d’injustices et d’actes violents de par le monde, nombreux sont ceux qui imaginent les adeptes de la non-violence comme des utopistes. Ramin Jahanbegloo, probablement habitué à toute sorte de critiques concernant l’efficacité ou l’utilité de la non-violence, semble en être conscient et cherche à démontrer la pertinence de cette idéologie.

Le fait que l’humanité ait «toujours été meurtrie, blessée par la violence», est le premier constat du philosophe. Il admet que, par rapport à ces faits, «la non-violence peut paraître inaccessible», mais apporte immédiatement un deuxième constat: «l’humain n’a pas uniquement subit et exercé la violence, il y a eu des moments de prise de conscience de la violence où l’on a essayé d’aller au-delà et où l’on a compris qu’il fallait s’y opposer». «Ce n’est donc pas une idée nouvelle» continue-t-il.

Un «non» de résistance

Si l’idée n’est pas nouvelle, le terme «non-violence» «est un terme très récent que l’on doit à Gandhi, inspiré du bouddhisme, de l’hindouisme et du jaïnisme», nous apprend le conférencier. Il provient du terme sanskrit ahimsâ, un concept religieux présent dans ces trois religions, mais beaucoup plus fort chez les jaïnistes.

Discutant de la signification de ce terme, il insiste sur le fait que le «non» est un «non» de résistance, un «non» actif, balayant l’argument de ceux qui considèrent la non-violence comme une forme d’inaction. «Ce n’est pas uniquement une forme passive d’abstention, c’est aussi une forme active de lutte politique» rappelle-t-il à l’auditoire.

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La non-violence a donc deux niveaux: l’un spirituel et l’autre stratégique, et pour Ramin Jahanbegloo, c’est «le moyen le plus efficace pour faire valoir ses droits». Pour lui, la non-violence doit permettre aux individus de se battre contre l’injustice politique et sociale.

Elle implique par conséquent la nécessité de définir ce qu’est la violence, qui existe sous plusieurs formes, aussi bien physique que psychologique. «Le mensonge, par exemple, est une forme de violence», explique-t-il ajoutant qu’il est «systématiquement utilisé dans les régimes totalitaires».

Culture de la violence

Pour Ramin Jahanbegloo, qui s’appuie sur la définition que le philosophe français Marcel Mauss fait de la culture comme étant «l’ensemble des formes acquises de comportement dans les sociétés humaines», on peut parler d’une culture de la violence lorsque les individus orientent leur comportement en privilégiant la violence: «Le stalinisme, le régime de l’Apartheid en Afrique du Sud et le nazisme en sont les meilleurs exemples.»

Et pour prouver l’impact de la non-violence il rappelle à quel point elle peut-être dérangeante pour des régimes aussi durs: «Dans ce type de régime, parler de non-violence est un blasphème. En Iran on la considère comme une conspiration américaine».

Toujours dans cette optique, Ramin Jahanbegloo évoque le Dalaï Lama qui, a lui seul, est une véritable épine dans le pied du géant chinois.

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Monothéistes violents

Dans nos sociétés démocratiques, la violence est moins évidente. Cependant, il y existe bien une culture de la violence en partie attribuable à l’héritage judéo-chrétien et musulman.

«Dans les traditions monothéistes, on a laissé de la place à la violence sans en accorder beaucoup à la non-violence. Même si il y a eu beaucoup de personnages non-violents dans les trois religions, ces religions ont créé plus de violence que le bouddhisme», affirme le philosophe.

De ce fait, il considère que «la non-violence est une manière d’aller au-delà de nos attitudes mentales et structurelles» déterminées par notre appartenance socio-culturelle.

La non-violence n’est donc pas uniquement réservée à combattre des régimes totalitaires et des lois discriminatoires évidentes.

Dans un régime déjà démocratique, l’application active de la non-violence et de son exigence de recherche de vérité et de justice a pour but de «spiritualiser la politique c’est-à-dire de la rendre plus éthique qu’elle peut l’être», explique Ramin Jahanbegloo.

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Moyens essentiels

Partant du fait que «toute action dans le champ politique pose la question de la fin et des moyens», il cite Gandhi en expliquant que (contrairement à ce que pensait Machiavel) la fin ne justifie pas n’importe quel moyen et que le choix des moyens est aussi essentiel que la fin.

Et ces moyens doivent être non-violents, on doit agir en «remplaçant la relation d’hostilité par la relation d’hospitalité, en considérant l’autre comme une fin et non pas uniquement en s’en servant comme un moyen» si l’on veut effectivement apporter plus d’éthique dans la société et dans l’univers politique.

Si le public semblait majoritairement convaincu, l’enjeu à présent est de faire comprendre à davantage de monde que l’application de ces principes peut aider à déterminer et réduire diverses formes de violences sociales.

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