Non, l’examen médical annuel n’est pas essentiel

Mais évidemment il faut continuer se surveiller sa santé!

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Publié 08/04/2018 par Ève Beaudin

Avons-nous vraiment besoin d’un examen médical annuel — le fameux check-up? C’est un des mythes que remet en question dans son dernier livre Alain Vadeboncoeur, urgentologue à l’Institut de cardiologie de Montréal et bien connu du public pour ses nombreuses interventions dans les médias.

Désordonances Alain Vadeboncoeur
Le Dr Alain Vadeboncoeur

Dr Vadeboncoeur, quel mythe souhaiteriez-vous déboulonner ?

L’idée selon laquelle la prévention des maladies passe par un examen médical annuel. Pour une personne en bonne santé, qui n’a pas de symptôme de maladie ni de changement dans son état de santé, l’examen «de routine», la prise de sang avec 20 cases cochées et la batterie de tests à l’aveugle, sont tout simplement inutiles.

Pourquoi ce mythe a-t-il la peau dure?

C’est une pratique médicale qui s’est installée au fil du temps. On a longtemps cru que le suivi régulier et l’évaluation exhaustive des patients en bonne santé prévenaient les maladies. Aujourd’hui, on sait que ça n’est pas efficace.

Malheureusement, de nombreux patients, habitués à cette façon de procéder, sont inquiets quand on leur dit que ce n’est pas nécessaire de faire une visite chez le médecin tous les ans.

Et on les comprend, puisque cette idée est aussi entretenue par les régimes d’assurances qui font miroiter le bien-fondé d’un examen annuel «V.I.P.» comprenant bilan sanguin, test à l’effort et autres examens compliqués offerts à tous les employés, y compris à ceux qui sont en parfaite santé.

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Ça laisse présager qu’il faut faire ce type de dépistage pour prévenir les maladies, alors que c’est non seulement inutile, mais que ça peut même nuire aux patients.

Désordonances Alain Vadeboncoeur
Désordonances, le dernier livre du Dr Alain Vadeboncoeur, chez Lux Éditeur.

Faux positifs et stress

Les revues de littérature scientifique sont claires: le check up annuel effectué sur des personnes en bonne santé et asymptomatiques n’améliore pas la qualité de vie ni la durée de vie. Dès 2012, la célèbre revue Cochrane, la plus grande organisation médicale indépendante du monde, a conclu que le bilan de santé annuel ne sert à rien et peut même nuire légèrement à la santé.

Il faut comprendre qu’un test de dépistage effectué «à l’aveugle» peut avoir des répercussions importantes: faux positifs, stress inutile, tests subséquents plus invasifs et parfois dangereux.

Cette approche d’une autre époque s’avère inefficace pour améliorer l’état de santé. C’est pourquoi le Collège des médecins du Québec a aboli l’examen médical périodique, en 2015.

Plus récemment, le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs a de nouveau réclamé la fin du bilan annuel pour le remplacer par des activités de promotion de la santé adaptées à l’âge.

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Certains pensent que cette mesure a été adoptée pour économiser de l’argent, est-ce le cas?

Il faut voir l’abandon du bilan annuel positivement: c’est une pratique qui n’a pas fait ses preuves.

Plusieurs patients la considéraient comme une obligation contraignante. De plus, elle occupait l’emploi du temps des médecins inutilement. Le temps ainsi libéré peut maintenant être utilisé pour voir des patients qui sont malades, souffrent de maladies chroniques ou dont l’état de santé a changé.

Par ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à recommander l’abandon de l’examen médical annuel, c’est aussi le cas de plusieurs grandes organisations médicales dans plusieurs pays.

Que faut-il faire pour prévenir les maladies chroniques et le cancer?

Au lieu de miser sur le dépistage «à l’aveugle», il faut miser sur la prévention des maladies: arrêter de fumer, bien manger, bouger tous les jours, maintenir un poids santé, boire de l’alcool en modération. Ce sont les bonnes habitudes qui améliorent la qualité de vie et préviennent les maladies.

La responsabilité repose en grande partie sur les individus, mais aussi sur l’expertise de plusieurs professionnels de la santé qui peuvent aider les gens à atteindre ces objectifs, pas seulement les médecins.

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Pour ce qui est des examens de dépistage, le Collège des médecins du Québec a établi une fiche de prévention clinique qui regroupe 11 recommandations à inclure dans une démarche raisonnée de prévention. Ça inclut notamment le bilan lipidique tous les 3 à 5 ans chez les hommes de 40 à 75 ans, ainsi que chez les femmes de 50 à 75 ans.

Également, le dépistage du diabète tous les 3 ans chez les plus de 40 ans, de même que chez les moins de 40 ans porteurs de facteurs de risque.

En ce qui a trait au cancer, seule une poignée fait l’objet d’une recommandation de dépistage aux deux ans, en fonction de l’âge de la personne, et après discussion avec elle pour lui présenter les avantages et les risques de chaque dépistage. Chez les femmes, il s’agit des cancers du sein, colorectal et utérin. Chez les hommes, le cancer colorectal.

La pertinence du test de dépistage du cancer de la prostate est fortement remise en cause, comme je l’explique dans mon livre, Désordonnances, et le Collège ne le recommande plus, sauf à la demande du patient.

Bien entendu, les personnes qui ont des facteurs de risques particuliers feront l’objet de recommandations adaptées. Par exemple, les fumeurs pourraient être soumis à des tests de dépistage du cancer du poumon. L’impact positif de ces différents dépistages est toutefois moins important que ce qu’on croit généralement, notamment sur la longévité.

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L’examen périodique reste-t-il une approche valide pour certaines personnes?

Bien entendu! Ceux qui ont une maladie chronique continueront à faire des examens de santé périodiques. Et ceux dont l’état de santé change devraient aussi aller consulter leur médecin, qui leur proposera parfois des tests diagnostiques.

Il faut renouveler ses prescriptions, faire un dépistage d’infections transmises sexuellement si on a des comportements à risques et faire ses vaccins. C’est seulement le check up annuel qu’on abolit.

Auteur

  • Ève Beaudin

    Journaliste à l'Agence Science-Presse, média indépendant, à but non lucratif, basé à Montréal. La seule agence de presse scientifique au Canada et la seule de toute la francophonie qui s'adresse aux grands médias plutôt qu'aux entreprises.

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