Non à la proportionnalité en Colombie-Britannique: quelles leçons en tirer?

Élections
Un gouvernement majoritaire n'est pas motivé pour changer le mode de scrutin qui l'a favorisé.
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Publié 12/01/2019 par Lucas Pilleri

Les Britanno-Colombiens ne veulent pas d’un mode de scrutin proportionnel. Plus de 61% des votants au référendum du mois dernier se sont exprimés en faveur du maintien du régime actuel, un mode électoral contesté pour son manque de représentativité. Trois politologues décryptent ce résultat devenu monnaie courante au Canada.

Troisième référendum

Du 22 octobre au 7 décembre 2018, 845 000 personnes ont voté par voie postale en faveur du statu quo, la victoire dans chaque circonscription à celui ou celle qui obtient une simple pluralité des suffrages, contre 530 000 préférant le changement, la proportionnelle.

C’était la troisième fois que la province du Pacifique tentait de changer le mode de scrutin par référendum, après deux échecs en 2005 et 2009.

professeur d’histoire à l’Université Simon Fraser de Vancouver
Nicolas Kenny

«On s’attendait à un résultat plus serré», s’étonne Nicolas Kenny, professeur d’histoire à l’Université Simon Fraser de Vancouver. Beaucoup avaient en effet l’impression que le moment était propice au changement et les sondages étaient plutôt partagés.

L’inertie du système

«Le résultat ne m’étonne pas», confie Daniel Stockemer, professeur en science politique à l’Université d’Ottawa. «Les institutions sont très difficiles à changer, car les gens s’accoutument et ça devient une partie de leur identité.»

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En outre, le politologue note «une peur infondée chez les gens que les gouvernements dans un système proportionnel ne soient pas stables».

Pour l’historien Kenny, ce vote alimente l’idée que «le système électoral est un grand navire qui ne peut pas changer de cap facilement». Pourtant, l’histoire a montré que le système évolue avec la société pour s’en faire le reflet, rappelle-t-il.

Conçu pour deux partis

L’enjeu est en effet celui de la représentativité. Le système actuel uninominal à un tour est souvent critiqué du fait que la répartition des sièges ne coïncide pas exactement avec le pourcentage de votes obtenus. En comparaison, un système incluant une composante de proportionnalité apparaît plus équitable aux yeux de certains.

professeur en science politique à l’Université d’Ottawa
Daniel Stockemer

Notre mode de scrutin actuel, issu des traditions parlementaires britanniques, correspond à un monde politique dominé par deux partis qui se disputent le pouvoir.

«Mais le climat politique a beaucoup évolué», souligne Nicolas Kenny. «En Colombie-Britannique, il y a trois partis importants et on en compte plusieurs sur la scène fédérale, ce qui explique qu’on se retrouve avec des gouvernements majoritaires sans la majorité des voix.»

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La volte-face des gouvernements élus

Certains observateurs de la vie politique voient une part de mauvaise volonté dans les échecs successifs aux référendums.

En 2005, 58% des votants avaient opté pour le changement en Colombie-Britannique, mais un seuil de 60% était alors exigé. «Les dés étaient pipés», estime Nicolas Kenny. «Beaucoup promettent, mais une fois élus, ils constatent que ça fonctionne bien pour eux et oublient.»

Oublient ou ne déploient pas des efforts convaincants: «Le premier ministre John Horgan a tenu sa promesse électorale en organisant le référendum, mais on lui reproche d’avoir obscurci le processus», avance Nicolas Kenny.

Consensus politique

Roger Ouellette, professeur et politologue à l’Université de Moncton, note de son côté une volte-face de la part de François Legault au Québec.

professeur de sciences politiques à l’Université de Moncton
Roger Ouellette

«Dans son discours inaugural l’automne dernier, Legault a déclaré que la réforme du mode de scrutin nécessitait un consensus politique, alors que dans la campagne il avait rejetait l’idée d’un référendum. J’appelle ça un virage à 180 degrés.»

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Et ce n’est pas le premier retournement de veste selon l’expert: «On l’a vu avec le Parti québécois en 1976 et avec Justin Trudeau en 2015. Une fois au pouvoir, ils semblent trouver la vertu de la majorité sans majorité!»

Des électeurs désengagés

Enfin, le référendum britanno-colombien n’a pas fait exception à la tendance avec un faible taux de participation de 42,6%. «Une grande partie de la population ne s’est pas sentie investie», constate Nicolas Kenny, qui reconnaît que le référendum, relativement complexe, demandait un certain engagement de la part du citoyen.

Partout au Canada, le même résultat se répète ainsi d’année en année.

Le référendum de réforme électorale à l’Île-du-Prince-Édouard en 2016 n’avait obtenu que 36,5% de participation et, même si une majorité des votants s’étaient exprimés en faveur d’une représentation proportionnelle, le changement n’a pas été entériné. La population devrait d’ailleurs retourner aux urnes en octobre 2019.

En Ontario, un vote s’était tenu en 2007 avec 53% de participation, mais plus de 63% des votants avaient choisi de conserver le régime actuel.

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Circonscriptions déjà prédéterminées

La faible participation ferait même partie des inconvénients du système actuel. «Beaucoup de circonscriptions sont déjà prédéterminées, il y a donc moins d’incitation à aller voter», analyse Daniel Stockemer.

«Alors que dans la proportionnalité, il y a toujours une motivation pour gagner des sièges.» C’est d’ailleurs le choix de pays comme l’Allemagne et la Nouvelle-Zélande.

Avec 15 millions $ dépensés pour la tenue du vote, la Colombie-Britannique n’est pas prête de replonger dans le débat, surtout compte tenu du désengagement des citoyens. Les autres provinces connaîtront-elles le même sort?

Le référendum en question

Les électeurs en Colombie-Britannique ont voté du 22 octobre au 7 décembre par voie postale en répondant à deux questions: d’abord, pour garder ou abandonner le scrutin uninominal à un tour, puis pour indiquer leur préférence pour l’un des trois modèles à proportionnalité proposés.

C’est le système proportionnel mixte qui a remporté le plus de suffrages: un système où les électeurs votent non seulement pour un candidat au niveau local, mais aussi au niveau régional pour un candidat issu d’une liste de parti. Ainsi le nombre de sièges de chaque parti peut correspondre au pourcentage de voix obtenues à l’échelle de la province.

Auteur

  • Lucas Pilleri

    Journaliste à Francopresse, le média d’information numérique au service des identités multiples de la francophonie canadienne, qui gère son propre réseau de journalistes et travaille de concert avec le réseau de l'Association de la presse francophone.

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