Non au «profilage ethnique»

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Publié 17/07/2007 par Marcel Grimard

Réaction au forum de L’Express du 10 juillet («Pauvreté, désoeuvrement, criminalité»).

S’il est vrai que le phénomène de bandes criminelles est préoccupant, il n’en demeure pas moins que la conclusion de l’auteur est erronée. Je cite: «On doit donner à la police les moyens de surveiller et d’infiltrer les bandes criminelles. Ce faisant, on peut se permettre d’abandonner toute réticence face au «profilage ethnique» et à la violation de la vie privée des criminels potentiels, qui ne pourront plus se cacher derrière l’étendard du multiculturalisme».

Je vois trois arguments principaux pour démontrer l’égarement de la conclusion de cette opinion.

En premier, l’auteur présuppose que le phénomène des bandes criminelles est limité aux seules communautés ethnoculturelles ce qui est faux, pensons aux bandes de motards.

Deuxièment, la supposition de l’auteur l’amène à justifier le «profilage racial» comme moyen de prévenir les crimes dans les communautés culturelles. Cela cache la prémisse que toutes les personnes issues de ces communautés sont potentiellement criminelles et en conséquence il est justifié de ne pas respecter leurs droits individuels: la présomption d’innocence, le droit à la mobilité, le droit d’expression, le droit de se rassembler, le droit à la vie privée, etc.

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Dans une société démocratique, les lois visent à nous protéger tous contre l’abus policier, son harcèlement et l’arbitraire judiciaire. Quoiqu’en dise l’auteur dans une société où perdure un racisme systémique, il est essentiel de limiter l’action policière en encadrant leurs pratiques et de les astreindre aux règles les plus strictes de la preuve et des règles procédures pour enfreindre leurs droits individuels (mandat de perquisition, mandat d’écoute téléphonique, etc).

Finalement, blâmer le multiculturalisme comme source des problèmes de violence et des limites de l’action policière cache une insécurité sociale face à une société de plus en plus diversifiée.

Dans les faits, la violence dans les quartiers défavorisés de Toronto est un sous-produit du désinvestissement de l’État des années 90 au nom du néo-libéralisme dans les infrastructures socio-communautaires, les structures scolaires, les logements sociaux ainsi que dans les programmes d’aide sociale et d’aide à l’emploi. Toute une classe sociale paie le prix de cette philosophie en subissant la pauvreté, la malnutrition, le chômage chronique, les problèmes de santé mentale, de toxicomanie ainsi que la dislocation de leurs familles.

L’État a oublié que son rôle était et est toujours de niveler les inégalités sociales pour permettre aux plus grand nombre d’atteindre son plein potentiel peu importe sa classe sociale, sa race, son origine ethnique ou sa religion.

Promouvoir une philosophie de la loi et de l’ordre pour enrayer le phénomène des bandes criminelles ne fait qu’accentuer le contrôle social sur ces groupes marginalisés, augmenter leur sentiment d’aliénation et en bout de ligne aggrave les processus d’exclusion à l’origine de cette criminalité.

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Nous avons démantelé en quelques années nos infrastructures sociales sans vraiment réinvestir dans celles-ci, en conséquences les séquelles sur les groupes marginalisés se feront sentir sur plusieurs décennies parce que grandir avec un ventre vide à des conséquences toute une vie et sur la génération à venir.

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