Nomadisme politique au Canada

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Publié 07/03/2006 par Angèle Bassolé

On croyait à tort que l’Afrique détenait le monopole de certaines pratiques politiques honteuses. Le récent ralliement du chef de file de l’opposition du Burkina, Gilbert-Noel Ouédraogo, à «la mouvance présidentielle» et sa nomination comme ministre des Transports a fait tomber toutes les illusions de ceux et celles qui croyaient encore que la démocratie fonctionnait au pays des gens intègres.

Ce marchandage politique qui a permis au parti de l’éléphant (Alliance pour la Démocratie et la Fédération – Rassemblement Démocratique Africain: ADF-RDA) d’obtenir deux postes ministériels a fini de dissuader les thuriféraires de la démocratie bien installée ou en marche (c’est selon) au Burkina.

Mais si cela peut consoler les Burkinabés et partant, toute l’Afrique où perdurent de telles pratiques indignes, le Canada vient de leur voler la vedette. En effet, lors des dernières élections fédérales du 23 janvier 2006, un député libéral, David Emerson, élu sous la bannière du Parti libéral, a fait défection au lendemain des résultats et rejoint les rangs du Parti conservateur.

Eh oui! Le nomadisme politique n’est plus la propriété exclusive des pays africains! M. Emerson vient de donner la preuve que cela peut aussi arriver dans les démocraties les plus rodées et les plus huilées comme la démocratie canadienne.

C’est une onde de choc véritable qui a pris par surprise les électeurs libéraux et le caucus libéral à l’annonce de cette nouvelle incroyable. Outrés et très en colère, les électeurs libéraux de Vancouver qui ont voté pour M. Emerson lui réclament le remboursement intégral des frais engagés dans sa campagne, soit plus de 97 000$.

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Mais pourquoi l’ex-ministre de l’Industrie de Paul Martin a fait un tel coup à son parti jadis au pouvoir? Aussi surprenant que cela puisse être, M. Emerson a accepté un poste de ministre dans le nouveau cabinet de M. Harper! Il a été nommé ministre du Commerce international et ministre responsable des jeux olympiques de Vancouver de 2010.

Mais là où ce cas diffère du Burkina, c’est que le Commissaire à l’éthique a été saisi de l’affaire et devra examiner s’il y a eu marchandage politique entre M. Emerson et le chef du Parti conservateur, gagnant des élections.

Auquel cas, des sanctions attendent ces deux compères et leur parti. Ironique situation quand on sait que M. Harper et son parti ont fait campagne sur les notions de transparence, d’équité et d’imputabilité, profitant du scandale des commandites des libéraux pour se présenter comme un parti propre et intègre qui allait définitivement changer les choses.

Les Conservateurs donnent ainsi raison au 3e coureur Jack Layton, du Nouveau parti démocratique (NPD), qui disait lors de la campagne électorale qu’il n’y avait aucune différence entre les libéraux et les conservateurs.

Le plus étonnant dans tout ça est que M. Harper avait vivement dénoncé en 2004 la défection de la conservatrice Belinda Stronach pour le Parti libéral. Ces cas sont loin d’être uniques au Canada car on se souvient que l’ancien chef du Bloc québécois (parti souverainiste), Lucien Bouchard, était conservateur (parti fédéraliste) auparavant et que l’actuel premier-ministre du Québec, Jean Charest, a déjà été conservateur et même chef de ce parti avant de devenir libéral.

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Toute cette histoire donne raison au personnage de Créon dans Antigone de Jean Anouilh qui disait à sa nièce Antigone que «la politique, c’est l’affaire des mains sales!»

Alors, si vous voulez rester propres, ne trempez jamais vos mains dans la politique. Et comme le disait le général de Gaulle: «Parce que les politiciens ne croient jamais eux-mêmes ce qu’ils disent, ils sont toujours surpris de constater qu’il y a des gens qui les croient.» À bon entendeur, salut.

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