Nobel: la futilité des prédictions

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Publié 13/10/2015 par Agence Science-Presse

La semaine dernière, le quotidien Ottawa Citizen publiait un portrait d’un physicien canadien, Paul Corkum, «qui pourrait gagner le Nobel» cette année. Mardi, un Canadien a effectivement gagné le Nobel de physique — événement rare — mais ce n’était pas Corkum. Et il ne faut pas s’en étonner: les prévisions pour les Nobels de science ratent presque toujours la cible.

Ça en est au point où personne n’avait songé à créer une page Wikipedia pour deux des trois gagnants du Nobel de médecine (William Campbell et Satoshi Omura), avant l’annonce de lundi!

La prévision concernant Corkum provenait de la firme Thomson Reuters, qui joue au devin chaque année… avec un succès tout relatif.

Cette année, pour le Nobel de physique, elle avançait quatre «candidats» (qualifiés de gagnants «probables» par le Citizen), incluant Corkum. Aucun ne s’est retrouvé parmi les deux gagnants dévoilés mardi à Stockholm.

Pour le Nobel de médecine, dévoilé lundi, Thomson Reuters avait choisi six noms: aucun n’a gagné. Et dans sa liste de sept noms pour le Nobel de chimie, dévoilé mercredi matin, aucun n’a gagné.

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Le cerveau derrière ces prédictions s’appelle, depuis 2002, David Pendlebury. En comptant les trois Nobels de science — médecine, chimie, physique — et celui d’économie, il a pourtant misé juste à 32 reprises… quoique pour arriver à ce total, il faille additionner ceux qu’il avait prédits une année, et qui ont gagné l’année suivante.

En 2014, aucun des sept candidats de Thomson Reuters pour le Nobel de physique, aucun des sept pour le Nobel de médecine et aucun des huit pour le Nobel de chimie, n’a reçu un appel téléphonique de Stockholm.

Son plus récent succès a été en 2013 avec le boson de Higgs pour le Nobel de physique: Peter Higgs et François Englert étaient deux des six «candidats» pour ce prix (les quatre autres étaient du côté des planètes extrasolaires et des superconducteurs).

Aucune des prévisions pour la chimie ou la médecine ne s’est réalisée, pas plus qu’en 2012. Il n’a pas misé juste non plus avec les Nobels d’économie en 2012, 2013 et 2014.

Le problème est peut-être plus profond qu’il en a l’air. En examinant un peu plus d’un siècle d’histoire (1901-2007), l’historien des sciences Yves Gingras a conclu il y a quelques années qu’il était devenu de plus en plus difficile dans la deuxième moitié du 20e siècle de prédire les Nobels de physique et de chimie.

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Des changements dans la taille et l’organisation des deux domaines résultent en un déclin rapide du pouvoir prédictif des données bibliométriques au fil du siècle, alors que les gagnants sont distribués sur un spectre plus large de classements qu’au début du 20e siècle.

Les prévisions de Thomson Reuters s’appuient sur la mesure traditionnelle qu’est le facteur d’impact de ces chercheurs — le nombre de citations dans la littérature scientifique — ainsi que sur l’influence qu’a eue leur découverte. Mais le fonctionnement du comité Nobel est réputé pour son opacité et comme les lauréats ont contribué à des percées survenues il y a 20, 30, voire 40 ans, la liste s’allonge…

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