Nier le génocide blesse les survivants

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Publié 16/10/2007 par Carl E Arkantz

Le 10 octobre 2007, la Commission des Affaires étrangères du Congrès des États-Unis a adopté par une majorité de 27 voix pour et 21 contre la résolution HR 106 reconnaissant le génocide des Arméniens perpétré par la Turquie en 1915.

Cette résolution peut désormais être présentée au vote du Congrès; elle a déjà le soutien d’une majorité de parlementaires américains.

Durant les jours et les semaines qui ont précédé ce vote, les autorités turques par les voix de leur nouveau Président élu Abdullah Gül, de leur Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, du Président de leur Grande Assemblée nationale et j’en oublie certainement, n’ont pas manqué de marteler qu’il fallait bloquer ce texte.

Leurs interventions ont suscité différentes prises de position à commencer par celle du Président George W. Bush qui, disposant d’un droit de veto à l’instar du Président Clinton qui fit usage du sien pour une résolution identique, s’est déclaré hostile au texte.

Il est vrai qu’embourbé en Irak, il ne peut se permettre d’irriter son allié turc, tant il est également vrai que cet encombrant allié n’a pas intérêt de se fâcher avec les États-Unis tant il en est dépendant. Je ne citerai pas nommément les huit anciens secrétaires d’État, ni l’actuelle ou le ministre de la Défense dont les communiqués ou lettres ne font pas honneur aux États-Unis. D’ailleurs, nonobstant cette incurie, je doute que leurs noms ne sortent jamais grandis dans l’Histoire.

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L’orgueil surdimensionné des Turcs qui refusent obstinément la réalité peut prêter au ridicule. Ainsi, dans les livres d’histoire, des écoliers turcs un peu attentifs pouvaient noter que, lors des batailles livrées par l’Empire ottoman, les victoires étaient toujours celles des Turcs, alors que les défaites étaient celles de l’Empire.

Cette distinction est révélatrice. Le Turc ne peut jamais faillir. Alors que l’Empire, lui, n’était qu’un composé ethnique dans lequel le Turc n’était qu’un des éléments. Quand les livres d’histoire se livrent à pareil distinguo que peut on attendre d’un crime comme un génocide?

À Ankara, les manifestations hostiles aux Américains face à l’ambassade des États-Unis, bien qu’organisées par le parti des Travailleurs (nationaliste de gauche) dont l’anti-américanisme est viscéral, procèdent de ce même lavage de cerveau qu’ont subi des générations d’enfants turcs dans les écoles laïques de la République.

Qu’adviendra-t-il lorsque la Turquie admettra enfin son crime? Que celui-ci ait été commis à l’époque de l’Empire n’affranchit en rien la République turque qui en est l’héritière, qui plus est quand cette République ne recule devant aucun procédé fut-il des plus dégueulasses pour continuer à nier ce crime.

Entendre encore et toujours que ce crime n’a jamais eu lieu heurte, blesse, horripile ceux qui en ont été les victimes directes et indirectes; je veux parler des survivants et de leurs familles.

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Car le récit des atrocités subies et les témoignages des diplomates, des militaires, des missionnaires ou des personnels médicaux quels qu’ils soient ne sont pas des affabulations impérialistes comme le prétendent à l’envi les manifestants turcs. Les témoignages, notamment d’Autrichiens et d’Allemands alors alliés de l’Empire ottoman, ne sont pas des plus complaisants envers les criminels du parti Union et Progrès et leurs séides.

Nier l’évidence, et continuer à la nier, ne grandira pas la Turquie. Si tant est qu’elle ait envie de grandir.

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