Mon oncle Émile et Christian Aubin au club Tranzac

Une soirée placée sous le signe du plaisir

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Publié 06/06/2006 par Marta Dolecki

Inégalités devant l’emploi, barrières de langue, solitude et sentiment de perdition: de nombreux rapports fleurissent sur les difficultés d’être francophone en milieu minoritaire. Devant ce portrait aux contours peu flatteurs, on en oublie parfois que le simple fait de vivre en français à Toronto peut finalement s’avérer être agréable, même bin chouette, serait-on tenté de dire.

Agréable parce que des choses qui, ailleurs, pouvaient sembler acquises s’enveloppent ici d’un petit goût d’inédit. Elles deviennent alors un de ces petits plaisirs de la vie qu’on savoure lentement, entre deux tranches de quotidien, tel un bonbon léger et rafraîchissant.

Ainsi, vendredi dernier, l’endroit «tendance» par excellence, ou encore «du moment», si vous préférez, n’était pas le dernier club branché de l’Entertainment District, sur Adélaïde. Il s’agissait au contraire d’un bar torontois intimiste, modeste d’apparence mais plaisant comme pas deux, situé dans le quartier toujours achalandé de l’Annex.

«Ça fait longtemps que je n’avais pas dansé comme ça, avec mon cœur.» Cette confession d’une jeune femme se préparant à aller rejoindre son lit après avoir sautillé toute la nuit se retrouvait aux lèvres de plusieurs, alors qu’ils quittaient le club Tranzac, samedi dernier, aux petites heures du matin.

«Au Québec, je n’allais jamais voir des chansonniers en spectacle. Ils ne m’intéressaient pas vraiment. Mais à Toronto, c’est comme s’ils avaient acquis une nouvelle valeur à mes yeux, un charme particulier. Ça me rappelle tout simplement l’endroit d’où je viens», confiait cet autre danseur, le temps d’une pause, avant de repartir de plus belle sur la piste.

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Pour la première fois depuis leur création, les deux organismes torontois Franco-Fête et le Salon du livre avaient décidé d’unir leurs forces afin offrir aux gens ayant fait le déplacement une soirée haute en couleurs, en saveurs et en rythmes francophones d’ici et d’ailleurs.

Le conteur franco-ontarien Mon oncle Émile a assuré la première partie de soirée tandis que le chansonnier québécois Christian Aubin avait pour mission de prendre la révèle, avec, en tête, la ferme intention de faire danser l’auditoire jusqu’au petit matin.

Mon oncle Émile, de son vrai nom Ange-Émile Maheu, avait été invité sur initiative du Salon du livre de Toronto. Christian Aubin, lui, se produisait en spectacle dans le cadre de Rencontres en chansons, qui, chaque premier vendredi du mois, réunit des artistes de la scène franco-ontarienne et québécoise.

Un enseignant mordu de musique, Bernard Dionne, est le grand manitou à l’origine de ce rendez-vous mensuel qui a soufflé ses premières bougies – un an d’existence déjà – le 4 février dernier (voir L’Express numéro 3, semaine du 24 janvier au 30 janvier 2006.)

Vendredi dernier, en première partie de la soirée, Mon oncle Émile a emmené avec lui le public dans un voyage à travers des légendes et contes folkloriques revisitant les canons de la culture populaire canadienne-francaise. Sur scène se sont succédés des récits merveilleux mettant en scène des princesses, des diables et un certain Ti-Jean – autant de personnages peuplant les contrées imaginaires de l’Ontario français. Chacun de ces récits farfelus est le fruit de l’imagination de M. Maheu.

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À 75 ans, ce conteur infatigable à l’énergie peu commune reste plus que tout autre fortement attaché à la tradition orale. Il a commencé à raconter ses premiers contes alors qu’il n’était qu’un jeune adolescent. Cela fait plus d’un demi-siècle qu’il semble ne pas vouloir s’arrêter. Il y a eu bien sûr des interruptions entre temps – Ange-Émile Maheu a été bûcheron, enseignant – mais il est toujours revenu à ses premières amours: les contes et le plaisir de les raconter.

Après le passage de l’oncle Émile, la parole a fait place à la musique. À grands renforts de guitare, d’accordéon et de cuillères en bois, Christian Aubin est parvenu à faire danser l’assemblée en entamant des airs populaires – classiques québécois, français, mais aussi anglophones, pour faire plaisir à tous ceux présents dans la salle.

Ce jeune chansonnier de la région de Québec avoue être fortement influencé par des musiciens comme Daniel Bélanger. Lui-même décrit son style musical comme du «rock aérien». Pour Christian Aubin, la rencontre avec la musique a commencé un peu tard, à l’âge de 19 ans, avec des cours de guitare classique. Depuis, cet artiste complet, capable de passer sans problème d’une chanson de Mes Aïeux à des classiques français – Joe Dassin et Aznavour en tête – s’est bien rattrapé puisqu’il a remporté un deuxième prix au Festival de la chanson de Québec en 2001.

Dans la jungle du show-business, des chanteurs d’un soir et des succès faciles, Christian Aubin sillonne les bars de la Belle Province et parvient à vivre de sa passion pour la musique. Vendredi dernier, il a en tous cas réussi à faire passer une belle soirée aux francophones présents dans la salle.

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