Moments troubles ou lecture à contre-courant

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Publié 12/07/2011 par Paul-François Sylvestre

Michel T. Héroux a publié un premier recueil de nouvelles aux Éditions L’Interligne. Intitulé Moments troubles, cet ouvrage met souvent en scène des personnages qui se débattent à coups de rencontres épidermiques. Le charnel entre eux est à couper au couteau, ils sont à bout de souffle et nous, voyeurs impénitents, nous assistons à leurs beaux déchirements et à leur manque de lendemains qui chantent.

En lisant les vingt et une nouvelles qui composent le recueil de Michel T. Héroux, j’ai parfois eu l’impression que l’auteur écrivait à partir du portrait d’une personne anonyme. Résultat: il imagine son passé, son vécu, son secret et raconte tout ça avec une grande simplicité.

À noter que l’auteur donne à ses histoires des accents tantôt gai tantôt lesbien, le plus souvent hétérosexuel.

Dans la première nouvelle, un jeune joueur de hockey patine et contrôle la rondelle avec aisance. Il n’est pas le joueur le plus performant, mais sûrement le plus gracieux: «on aurait dit qu’il réécrivait sur la surface glacée et immaculée les poèmes de Nelligan et de Saint-Denys Garneau…»

Le narrateur, un homme de 42 ans, voit ses certitudes ébranlées lorsque le patineur l’embrasse sur la bouche. «Sa foi et sa vocation le torturent désormais plus qu’elles ne l’inspirent.»

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Plusieurs nouvelles sont construites autour de la difficile relation entre un homme et une femme. Il y a presque toujours un moment charnière entre la chair et l’âme où le déclic se fait. L’auteur aime nous faire nager en eau trouble, c’est-à-dire lire à contre-courant.

La nouvelle intitulée «Le peignoir bleu» demeure un bel exemple de ce genre d’exercice. La relation de Paul et Sonia sombre justement en eau trouble. Et le déclic se fait on ne peut plus à contre-courant, lorsque Paul découvre le lien entre Sonia et… Valérie.

Dans «L’invitée?», Héroux met en scène un auteur qui écrit ses textes dans un bar de troisième ordre.

De fil en aiguille, le lecteur apprend que cet homme «bizarre, mais point dérangeant» écrit pour récréer dans son présent une femme qui l’a quitté et qu’il n’a pas su oublier.

«J’invente des histoires que j’aurais voulu vivre avec quelqu’un pour meubler ma solitude. Ces histoires que je finis presque par croire quand l’alcool me possède tout entier.»

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Il arrive parfois que l’auteur ne soit pas bien desservi par son éditeur. C’est malheureusement le cas avec la nouvelle intitulée «Coupures au montage»; elle est devenue, pour moi, «coupure à ma lecture». Pourquoi? Parce que la typographie agaçante de ce texte en rend la lecture trop difficile. J’ai sauté 36 pages car l’éditeur n’a pas bien fait son travail.

Nonobstant cet accroc, Moments troubles réussit presque toujours à enflammer l’imagination du lecteur. Les textes sont tour à tour enchanteurs, malins ou perturbants. Ils peuvent nous bousculer ou nous déstabiliser. Les personnages sont plus souvent ténébreux que lumineux.

Michel T. Héroux, Moments troubles, nouvelles, Ottawa, Éditions L’Interligne, coll. Vertiges, 2011, 184 pages, 17,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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