Moins de ressources pour «réinventer» Radio-Canada

Les sports professionnels et le FM en régions passent à la trappe

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Publié 15/04/2014 par François Bergeron

Entre autres à cause de la perte du hockey de la Ligue nationale au profit de TVA et Rogers, la Société Radio-Canada doit réviser son budget 2014-2015 à la baisse d’environ 130 millions $, soit à 1,5 milliard $, ce qui force le diffuseur public à abolir l’équivalent de plus de 650 postes (sur plus de 7000, soit environ 8% de ses effectifs) au cours des deux prochaines années.

Et c’est bel et bien le service des sports qui va écoper, le diffuseur public abandonnant la couverture de la plupart des grands événements professionnels. Le bulletin sportif de fin de soirée est aboli.

CBC/Radio-Canada continuera toutefois à présenter de grands événements comme les Jeux olympiques, de même que la Coupe du monde de soccer à Rio cet été et les jeux Pan-Am de Toronto en 2015.

Ailleurs, c’est surtout au FM (Espace Musique) que la nouvelle cure minceur sera appliquée, les 11 émission régionales de 8h30 à midi étant éliminées (dont celle de Janine Messadié à Toronto) pour ne diffuser que celle de Montréal.

«En raison des réalités du marché, nous avons pris les décisions difficiles requises pour équilibrer notre budget actuel», a déclaré le pdg Hubert Lacroix en conférence de presse jeudi.

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Toronto

Quatre postes sont coupés dans les régions francophones de l’Ontario (Toronto, Windsor, Sudbury) sur un total de 117, précise la relationniste locale Manon Côté: deux à Espace Musique et deux postes vacants qui ne seront pas comblés.

«Nous maintenons notre stratégie d’information régionale 7 jours sur 7 et préservons toutes nos émissions sur Ici Radio-Canada Première (matinales, retour à la maison, midi et samedi matin) ainsi que des projets numériques régionaux», indique Manon Côté.

Des plans d’expansion précédemment annoncés seront annulés. Par exemple, il n’y aura pas de nouvelle station de CBC à London. À la télévision anglaise, la fin de l’émission quotidienne de George Stroumboulopoulos avait déjà été annoncée, l’animateur devant justement passer chez Rogers pour commenter le hockey!

«Au fur et à mesure que le paysage médiatique change, CBC/Radio-Canada devra aussi se réinventer afin de continuer à remplir le mandat qui lui a été confié il y a plus de 75 ans», a poursuivi M. Lacroix.

Les nouvelles réductions s’ajoutent à des pressions financières déjà absorbées par la Société depuis 2008-2009. «Nous décidons de faire moins de choses, mais mieux», assure M. Lacroix.

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Du côté des revenus, CBC et Radio-Canada veulent consolider leurs équipes de vente et présenter bientôt une offre publicitaire multiplateforme pancanadienne.

Inquiétudes

Cette nouvelle ronde de coupures à CBC/Radio-Canada a suscité un nouveau tollé de protestations, notamment de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, qui «s’inquiète de leur impact sur l’information journalistique au pays».

Selon la FPJQ, «le service français de Radio-Canada écope une plus grande proportion de suppressions de postes, par rapport au service anglais. Le service français est ainsi pénalisé parce qu’il produit plus de contenu à l’interne, alors que le service anglais achète plus de contenu à l’extérieur.»

Comme d’autres groupes de défense du diffuseur public, la FPJQ presse le gouvernement fédéral d’accorder à la société d’État «un financement accru, récurrent et prévisible». «Le Canada verse à son diffuseur public le montant dérisoire de 34 $ par citoyen», fait-on valoir, «alors que de nombreux pays occidentaux versent plus de 100 $ par citoyen.»

Du côté des francophones en milieux minoritaires, c’est aussi la consternation: «ces compressions récurrentes minent un outil essentiel à l’épanouissement en français des citoyens de nos communautés», accuse Marie-France Kenny, la présidente de la FCFA (Fédération des communautés francophones et acadienne).

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Pour la FCFA, la crise que traverse CBC/Radio-Canada est due en bonne partie à deux facteurs survenus coup sur coup: la réduction de l’enveloppe parlementaire de la société d’État et l’élimination, par le CRTC, du Fonds d’amélioration de la programmation locale (FAPL). «Le FAPL permettait aux stations régionales de Radio-Canada de produire davantage d’émissions où nos communautés se reconnaissaient. Le CRTC a fait une grave erreur en éliminant ce fonds.»

Rapport du Sénat

Même son de cloche à l’AFO (Assemblée de la francophonie de l’Ontario) qui demande au gouvernement fédéral «d’intervenir pour assurer que Radio-Canada puisse continuer à desservir les communautés de langue officielle en situation minoritaire».

À l’instar de Mme Kenny, le président de l’AFO, Denis Vaillancourt, mentionne que l’annonce des compressions intervient deux jours après la publication d’un rapport du comité sénatorial des Langues officielles, intitulé Les obligations linguistiques de CBC/Radio-Canada: Les communautés veulent se voir et s’entendre d’un océan à l’autre!, qui «démontre l’attachement des citoyens à Radio-Canada et rappelle le rôle clé que joue la Société d’État envers la promotion de la dualité linguistique».

L’annonce de ces compressions «rend d’autant plus importante la participation la plus large possible» des Franco-Ontariens à l’assemblée publique organisée par la Société Radio-Canada à l’automne 2014 à Ottawa, estime M. Vaillancourt.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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