Miller talonné

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Publié 10/10/2006 par Yann Buxeda

À un peu plus d’un mois du scrutin qui désignera le nouveau maire de Toronto, les choses semblent s’accélérer et la course retrouve son intérêt. Au niveau des sondages, la conseillère municipale Jane Pitfield se rapproche dangeureusement du maire sortant David Miller, tandis que l’arrivée tardive du libéral John LeDrew relance les hypothèses. Bilan.

Trente-huit candidats au poste de maire de la ville de Toronto et 278 conseillers municipaux potentiels. C’est un nouveau record pour la Ville-Reine. Jamais la gestion de la capitale économique du pays n’avait suscité un tel engouement de la part de ses citoyens.

Depuis la clotûre des dossiers de candidature le 29 septembre, l’heure est à l’analyse. Car en 2003, si l’élection de David Miller aux dépends de John Tory avait provoqué un étonnement mesuré, le taux d’abstention de 62% avait clairement sanctionné le manque d’attrait de la vie politique municipale.

Cette année encore, il ne sera pas question d’effets d’annonce spectaculaires, de guerre de déclarations et de promesses révolutionnaires. La campagne tourne légitimement autour des grands travaux de la ville, et quatre dossiers occupent la toile de fond.

L’augmentation des taxes, sujet sur lequel s’affrontent depuis déjà un temps le maire sortant David Miller, et sa principale adversaire Jane Pitfield, semble avoir été désigné cheval de troie commun des anti-Miller, et occupe le devant de la scène.

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Mais la détérioration des services de transports publics, les modifications de la Gardiner Expressway et la limitation de la création des condos sur les bords du lac sont également des sujets sur lesquels les électeurs souhaitent baser leur vote.

Autre problème majeur qui occupe l’actualité depuis quelques semaines, il s’agit de la solution privilégiée pour faire face au problème des déchets.

Suite à l’annonce du non renouvellement du contrat liant le Michigan et Toronto pour la gestion des ordures – actuellement, Toronto transfère ses déchêts à l’État américain qui s’occupe de les entreposer et de les incinérer –, le maire David Miller est en cours de négociation pour l’acquisition d’un gigantesque centre d’enfouissement technique dans la région de London.

Un processus qui devrait coûter plusieurs centaines de millions de dollars et qui provoque de vives réactions au sein de l’opposition.

Dans la roue

Ce sont autant d’arguments qui servent la cause de celle qui semble la plus apte à empêcher la réélection du maire sortant, Jane Pitfield. La conseillère municipale de Don Valley Ouest, au fil des mois, a sû affiner son statut d’alternative à la situation actuelle, et opère une remontée exponentielle dans les sondages, au point même de talonner le locataire de l’Hôtel de Ville ces derniers jours.

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Une situation qui la rassure tout particulièrement: «J’étais à 4% en janvier, et 20% en mai. Et les derniers sondages montrent encore une nette progression. Tous ces chiffres sont encourageants.»

Le plus récent sondage montre que la tendance se confirme. Selon Ipsos Reid, David Miller obtiendrait 55% des votes contre 40% pour son adversaire, auprès des personnes qui seraient susceptibles de participer au vote.

Des données qui se rejoignent encore plus lorsque l’on réduit le panel des interrogés à ceux qui sont certains de voter. Ils seraient alors 46% à offrir leur voix à Jane Pitfield, tandis que la candidature Miller ne compterait que cinq points d’avance, avec 51% d’intentions de votes.

Et c’est dans la roue de son adversaire que Jane Pitfield reconnaît se sentir le mieux. «Je préfère ne pas être en tête à ce stade de la course. La seconde place est plus confortable», se satisfaisait-elle au sortir du premier débat d’envergure devant les électeurs, le 3 octobre dernier au St-Lawrence Centre Forum.

Pour David Miller, l’équation est toute autre. En 2003, il avait le statut de l’outsider, qui venait pour conquérir l’Hôtel de Ville. Aujourd’hui, il est la cible de tous les candidats et son objectif est de défendre au mieux son bilan pour légitimer une politique qui s’inscrirait dans la lignée de celle conduite depuis trois années. Une position de proie difficile à gérer – il a pu le constater le 3 octobre – même si les récents chamboulements pourraient bien le favoriser.

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Piment rouge

Depuis quelques jours en effet, la donne s’est radicalement modifiée. La candidature tardive de l’ancien président du Parti libéral John LeDrew a déjà fait couler beaucoup d’encre. L’homme a ses points forts et faibles, mais a le mérite d’apporter un peu de piquant dans une élection qui s’annonçait comme un simple duel aux intonations lancinantes. Alors que peu de choses ont filtré de cette candidature soudaine, il est une chose sur laquelle s’accorde les analystes: John LeDrew a le sens de la formule, à défaut d’avoir un projet précis pour la ville.

À la question posée: «Appuyez-vous une initiative spécifique à travers votre programme?», il répond sans hésitation: «Nous avons six semaines pour répondre aux questions des journalistes et aux demandes des électeurs.» Ou l’art de maîtriser la langue de bois à la perfection.

Et si le Libéral peine à dévoiler les premières facettes de son programme, lorsqu’il s’agit de mettre à mal les arguments avancés par ses opposants, les mots coulent à flot. Il appuie sa candidature à l’aide de phrases choc, comme: «La ville a souffert ces trois dernières années. […] Nous ne pouvons avoir quatre années supplémentaires de Miller.» Ou encore, au sujet de Jane Pitfield, chez nos confrères du Toronto Star: «C’est une femme sympathique, avec de bonnes intentions. À mon avis, elle n’a que peu de capacités exécutives ou politiques.»

Une attitude qui pourrait d’ailleurs amener ses adversaires directs à évoquer la légitimité de LeDrew à gérer un budget municipal de 7,6 milliards $, suite à sa faillite personnelle en 2005. Une voix déjà empruntée par les médias ces derniers jours, qui profitent de cette oportunité pour dynamiser la campagne.

Car il y a fort à parier que cet engouement médiatique provoque une réaction de l’électorat anti-Miller. Deux alternatives risquent fort de diviser les partisans du changement, et faire le jeu du maire sortant. Alors la candidature de John LeDrew est-elle un feu de paille?

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Difficile de se prononcer pour le moment, surtout qu’il n’a encore jamais été soumis au suffrage universel et qu’il a démarré sa campagne très tardivement, mais nul doute que son franc-parler et ses escarmouches pourraient plaire à un électorat qui semble peu distancé par les politiques locales de ces dernières années.

Débats

Toujours est-il qu’en attente des premiers sondages d’intentions de vote depuis l’arrivée de LeDrew, Miller et Pitfield continuent de s’affronter sur l’épineux sujet de l’augmentation des impôts. Sous l’ère Miller, les contribuables ont pu constater une augmentation annuelle des taxes de 3%.

À l’approche des élections, Pitfield s’engage à tout faire pour que les taxes se stabilisent, tandis que Miller souhaite limiter l’augmentation de ces impôts au taux d’inflation. Le gel de l’augmentation des taxes de la fin des années 2000 décidé par le maire de l’époque Mel Lastman, avait provoqué un déficit qui l’avait amené à faire marche arrière en 2001.

Les contribuables, qui réclamaient à l’époque une augmentation de la qualité des services, avaient vu leur contribution s’épaissir de 12,3% en trois ans. C’est sur cette marche arrière que se base tout l’argumentaire du clan Miller, selon qui le gel pur et simple des taxes relève d’un manque de vision à moyen terme.

Mais la conseillère Pitfield remet en cause les calculs de l’actuelle équipe municipale. Selon elle, «le vrai coût de la vie a augmenté de 1,7% tandis que les taxes ont connu trois hausses successives de 3%.» Un constat qui l’amène à envisager – une proposition mentionnée dans son programme – la tenue d’un audit indépendant afin de «retrouver la trace de chaque dollar récolté par l’intermédiaire de cet impôt.»

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Perspectives

Pour le moment Pitfield fait une mauvaise opération sur le moyen terme, avec l’arrivée d’un concurrent direct monté en sauce par les médias. Il y a fort à parier qu’une partie de son électorat se range du côté de LeDrew. Une occasion pour la conseillère municipale de prouver sa valeur. Si elle parvient à endiguer rapidement le phénomène LeDrew en renforçant son statut d’unique solution alternative, elle prendra assurémment une dimension supérieure.

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