Mesquinerie religieuse dans la Beauce d’il y a cent ans

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 01/11/2011 par Paul-François Sylvestre

Ancien animateur de l’émission Dans les coulisses du pouvoir, Daniel Lessard vient de publier un roman intitulé Maggie. L’action se déroule à Saint-Benjamin, en Beauce, là où il est né le 19 février 1947. L’auteur nous plonge dans le Québec de 1915-1918, dans le rang-à-Philémon où la lune s’obscurcit derrière une chape de nuages politico-religieux.


Entre les protestants et les catholiques de ce coin de la Beauce, la cohabitation est pacifique jusqu’à l’arrivée du nouveau curé. Antonio Quirion croit que la soutane lui donne «le droit de condamner les gens sans preuve».


Il est obsédé par les protestants, par le péché de la chair et par une jeune Irlandaise prénommée Maggie, qui ose lui tenir tête à 16 ans. Du jamais vu dans le Québec rural des années 1910!


L’Église ne tolère pas les fréquentations entre catholiques et protestants. Si c’est pour «le bon motif», le protestant doit se convertir. «C’est peut-être différent dans la province d’Ontario, mais ici [au Québec], c’est les catholiques qui mènent.»


Avant l’arrivée du curé Quirion, il régnait un climat de bonne-entente entre catholiques et protestants, entre francophones et anglophones. Maintenant les relations sont tendues et il existe «une barrière de méfiance entre les deux groupes. Les protestants sont pressés de s’enrôler [dans l’armée], les catholiques résistent».


Publicité

Le maire de Saint-Benjamin est à couteau tiré avec ce curé aussi mesquin que despotique. Il doit constamment l’affronter, notamment pour empêcher que Maggie soit renvoyée comme institutrice. «Prêtre de la ville, Antonio Quirion ne comprend pas l’importance de l’école de rang, de la maîtresse de cette école.»


Il ignore que l’avenir des enfants dépend de leur petite école, de son institutrice.


Or, cette institutrice vit en marge de la communauté. «Animal blessé, Maggie refuse de rendre des comptes, refuse de prendre le pli de la majorité. Elle s’amuse à provoquer les bonnes, gens. […] Son indépendance, sa façon de tenir tête aux hommes, l’énergie sauvage qu’elle dégage» intriguent le maire et enragent le curé.


Daniel Lessard a créé des personnages attachants et a architecturé une intrigue pleine de rebondissements inattendus: procès pour une soi-disant histoire de mœurs ou de scandale sexuel, mort suspecte, suicide et intrigue politique, bien entendu, puisque l’auteur est un vétéran de la tribune parlementaire.


Lessard est aussi un fin observateur de la nature qu’il décrit parfois avec une touche presque poétique: «Sur la corde à linge, dans la brumasse du matin, deux hirondelles jacassent sans mesure.»


Publicité

Ses racines rurales colorent joliment sa plume: «L’été fleure bon le mil et le trèfle.»


Et de subtiles anecdotes témoignent de sa minutieuse recherche, notamment lorsqu’il parle des «maladies des femmes» ou de leurs «dérangements» qui sont traités avec de «la poudre Rossignol».


Vous vous demandez peut-être si Maggie sera excommuniée par le cardinal Bégin ou si le maire va l’expulser de Saint-Benjamin…


Milledieux! ne comptez pas sur moi pour vous le dire. Courez plutôt acheter Maggie. Vous ne serez pas déçus. Assurément un de mes coups de cœur en 2011.


Daniel Lessard, Maggie, roman, Montréal, Éditions Pierre Tisseyre, 2011, 392 pages, 29,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur