Médecins sans frontières: courte expérience pour certains, mode de vie pour d’autres

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Publié 18/12/2007 par Aline Noguès

Les pays en situation de crise humanitaire et sanitaire ont toujours besoin d’un coup de pouce. Médecins sans frontières (MSF) est un de ces organismes mondialement connus et appréciés qui déploient leur personnel là où le besoin s’en fait sentir. Mais pour pouvoir se rendre aux quatre coins de la planète, il faut avoir des ressources humaines suffisantes. Pour combler ses besoins, MSF a lancé une campagne de recrutement qui vise notamment les francophones.

MSF manque cruellement de logisticiens, de contrôleurs financiers, d’administrateurs… des postes non médicaux mais tout aussi importants lorsqu’une équipe se déploie dans une région en crise.

Et comme le regrette Simona Powell, agente des ressources humaines au bureau national de MSF Canada, à Toronto, il est très difficile de trouver de bons candidats: «Nos employés doivent partir seuls pendant 9 à 12 mois, alors ceux qui ont une famille hésitent à faire le grand saut. Par ailleurs, nous cherchons des personnes ayant accumulé au moins deux ans d’expérience, ce qui n’est pas toujours le cas de ceux qui se présentent à nous.»

En effet, MSF ne manque pas de candidats… mais de candidats au bon profil! «Nous recherchons des personnes ayant vécu suffisamment de temps dans des pays en développement ou dans le Grand Nord canadien et ayant une expérience d’au moins deux ans dans leur domaine de compétence. Or bien souvent, les candidats qui postulent n’ont pas cette expérience!»

«Nous voulons des personnes ayant des compétences techniques, une solide motivation pour l’humanitaire ainsi qu’un caractère et une maturité qui leur permettront de vivre sept jours sur sept avec les autres membres de l’équipe. Nous sommes très sélectifs. À l’issue de nos tests et entrevues, seul un candidat sur huit, en moyenne, est retenu.»

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MSF doit souvent faire face à un afflux de demandes lorsque surviennent des catastrophes comme un puissant tremblement de terre. Mais la bonne volonté ne fait pas tout, comme le rappelle Simona Powell: «Des gens postulent en grand nombre en nous disant qu’ils sont capables de faire n’importe quoi. Mais nous avons besoin de personnes qualifiées et nous faisons d’abord appel a notre personnel déjà sur place.»

La tâche de recrutement se corse encore un peu plus lorsqu’il s’agit pour le bureau canadien de recruter des francophones. Bien qu’il existe une réelle présence francophone hors Québec, MSF a du mal à y trouver des candidats, ce qu’elle déplore, en raison des besoins qui existent dans de nombreux pays africains francophones.

Mais malgré la pénurie de travailleurs qualifiés, MSF se refuse à essayer de convaincre d’éventuels candidats. «C’est une décision personnelle de se rendre dans des pays aux conditions de vie difficiles et où règne parfois l’insecurité. Tout ce que l’on peut dire, c’est que nous avons de l’expérience et que l’on fait ce que l’on peut pour minimiser les risques. Mais on ne peut pas donner de garanties.»

MSF Canada existe depuis 1991. Au fil des ans, cette section qui ne s’occupait que de levée de fonds et de recrutement a gagné en importance. L’an passé, MSF Canada s’est vu confier la gestion des opérations dans cinq pays: la Colombie, la Côte d’Ivoire, le Congo Brazzaville, le Nigéria et Haïti.

Mais ses 94 travailleurs sont envoyés dans une cinquantaine de pays. Certains sont des jeunes qui s’engagent pour un moment avant de s’installer et de fonder une famille, d’autres, plus âgés, sont à la retraite ou n’ont désormais plus d’enfants à charge, d’autres enfin ont choisi MSF comme mode de vie.


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Témoigage: «J’ai appris à connaître mes limites»

Wendy Lai, quant à elle, a travaillé pour MSF en tant que médecin. Elle a passé neuf mois en République démocratique du Congo. Bien avant de devenir médecin, elle s’intéressait de près aux questions de justice sociale, de droits de l’homme et de population démunie. Son engagement auprès de MSF était donc une continuité logique.

Le risque existant à travailler dans des régions du monde troublées ne lui faisait pas peur. «La notion de risque est assez relative. Pour moi, là où j’étais, la situation était assez calme. À Toronto, j’avais déjà travaillé dans des conditions dites risquées aussi, auprès des gens de la rue, de toxicomanes, et je ne m’étais pas sentie en danger.»

Mais dans son hôpital congolais, la jeune médecin travaille néanmoins dans des conditions difficiles. «Le plus dur est de voir des gens mourir de choses qui ne devraient pas être fatales, comme la rougeole ou un accouchement. L’autre difficulté est la grande quantité de travail à fournir, non seulement médical mais aussi administratif. Enfin, l’hôpital étant géré par des médecins congolais, je ne pouvais pas vraiment intervenir pour donner mon avis. C’était assez frustrant. J’ai appris à connaître mes limites physiques et de tolérance face à tout cela.»

À son retour, Wendy Lai a également commencé à voir le système de santé canadien d’un autre oeil: «Ici, on dépense beaucoup d’argent et d’énergie auprès de gens qui sont globalement en bonne santé mais trouvent tout de même des motifs d’inquiétude. Sans compter l’afflux de malades aux urgences pour des problèmes non urgents…»

Forte de sa première expérience, Wendy Lai se dit prête à repartir en 2008: «La médecine canadienne n’est pas inintéressante mais pour moi qui veux soigner des gens malades, je sais qu’il y en a vraiment beaucoup au Congo et dans d’autres pays semblables.»

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