Marois prédit que la Charte des valeurs fera consensus au Québec

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 20/08/2013 par Jocelyne Richer (La Presse Canadienne)

à 17h33 HAE, le 25 août 2013.

QUÉBEC – Loin d’être un facteur de division entre Québécois de toutes origines, la future charte des valeurs fera consensus dans la population et deviendra un élément fort d’unité, comme c’est le cas pour la loi 101, prédit la première ministre Pauline Marois.

C’était la première fois, dimanche, que la première ministre parlait publiquement de son projet de charte, depuis que le débat a été relancé cette semaine, à quelques jours du dépôt attendu des grandes orientations du gouvernement en matière de neutralité religieuse de l’État, préambule à la présentation d’un projet de loi cet automne.

Avant même d’être rendu public, le projet de charte des valeurs québécoises, qui devait être au départ une charte de la laïcité, sème la controverse.

Devant quelques centaines de jeunes péquistes, réunis tout le week-end à l’Université Laval pour discuter de souveraineté, Mme Marois a tenté de se faire rassurante, tout en se montrant inflexible sur l’objectif poursuivi par son gouvernement. Le projet péquiste consiste notamment à bannir le port de signes religieux ostentatoires chez tous les employés de l’État.

Publicité

«Je vous assure qu’on va aller de l’avant», a-t-elle promis à son jeune public, en disant espérer, malgré tout, un débat serein et respectueux autour de cette question potentiellement explosive.

«(La future charte) va devenir, j’en suis certaine, un élément fort d’unité entre les Québécois comme c’est le cas pour la loi 101, qui nous a réunis plutôt que nous diviser» sur la protection du français, selon elle.

Au contraire, ce qui divise les Québécois, c’est «l’absence de règles claires» en la matière, selon Mme Marois, qui a refusé de répondre aux questions des journalistes avant ou après son discours.

D’où l’importance de proclamer haut et fort «une bonne fois pour toutes» la neutralité religieuse totale de l’État et l’affirmation sans équivoque de l’égalité entre hommes et femmes.

Il s’agit de dire à la face du monde, et à tous ceux qui choisissent de venir vivre au Québec, qu’il s’agit là de principes parmi les plus précieux aux yeux des Québécois, a-t-elle fait valoir.

Publicité

Mme Marois a estimé que la future charte, pilotée par le ministre des Institutions démocratiques Bernard Drainville, n’était en fait que l’aboutissement d’un lent processus de déconfessionnalisation des institutions, dont les commissions scolaires, amorcé il y a un demi-siècle au Québec.

La chef du Parti québécois a plaidé en faveur de la souveraineté du Québec, exhortant les jeunes militants du parti à s’impliquer davantage et à convaincre les indécis.

«Allez parler de ce qui s’en vient! Allez parler de ce qui nous reste à réaliser et plus particulièrement de notre projet de pays. Portez-le bien haut! Portez-le avec fierté! A votre tour maintenant de convaincre, de recruter», a-t-elle dit.

Signes religieux

Le modèle de laïcité privilégié par le gouvernement impliquerait d’interdire aux employés de l’État (fonctionnaires, enseignants, personnel des hôpitaux) de porter des signes religieux ostentatoires.

Québec s’engage à présenter une proposition offrant «un heureux équilibre entre le respect des droits de la personne et le respect des valeurs communes», avait résumé le ministre des Institutions démocratiques, Bernard Drainville, quelques jours plus tôt.

Publicité

Aux yeux du ministre des Relations internationales, Jean-François Lisée, il y aura à cette occasion un test de leadership pour les élus. Il affirme que le gouvernement affrontera la tempête et prédit lui aussi que la formule préconisée par son équipe fera un jour consensus.

À ce propos, il a tracé un parallèle entre la situation actuelle et le débat ayant entouré l’adoption de la charte de la langue française (loi 101) en 1977. «Pour la première fois, il y a eu du leadership sur la question de la langue, et depuis, tout le monde trouve, malgré les débats difficiles de l’époque, que c’était une bonne chose», selon lui.

«Cette fois-ci, on a du leadership sur la question des valeurs, des accommodements raisonnables. Il y aura un débat, on va le faire de façon aussi respectable et dans le respect des convictions de chacun, bien sûr, mais il faut du leadership et on va l’avoir», a ajouté M. Lisée.

«On va traverser la tempête», promet le ministre Lisée, en se disant persuadé que l’avenir donnerait raison au gouvernement péquiste et que le projet de laïcité de l’État finirait par faire consensus dans la population.

Mais pour l’instant, avant même la publication du document, le projet de charte sème la controverse. Sceptiques, les partis d’opposition l’attendent de pied ferme. Et sans l’appui de l’opposition libérale ou de la Coalition avenir Québec, le projet n’a aucune chance de devenir réalité, dans un contexte de gouvernement minoritaire.

Publicité

Ces derniers jours, le coprésident de la Commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables, Charles Taylor, a taillé en pièces le projet péquiste, qui serait selon lui une erreur capitale, condamnant des communautés entières à être exclues du marché de l’emploi dans le secteur public à cause de leurs convictions religieuses. Le chef libéral fédéral, Justin Trudeau, qui a rencontré Mme Marois mercredi, a mis son grain de sel pour juger que la future charte allait selon lui entacher l’image du Québec.

Le chef libéral Philippe Couillard a soutenu mardi, dans une entrevue à La Presse Canadienne, qu’au lieu de se cacher derrière un «ballon d’essai» politique, le ministre responsable des Institutions démocratiques, Bernard Drainville, devrait expliquer clairement ses intentions aux Québécois. L’information est sortie sous la forme d’un scoop «de sources sûres» du Journal de Montréal et du Journal de Québec.

En vertu de la proposition gouvernementale, le hijab, la burqa, la kippa juive, le turban sikh et la croix chrétienne — si elle est «ostensible», donc visible — seront interdits dans les ministères, sociétés d’État, corps policiers et tribunaux, de même que dans les garderies publiques, écoles et hôpitaux.

Tenant de la «laïcité ouverte», M. Couillard doute que l’interdiction tous azimuts proposée par le Parti québécois au pouvoir passe la rampe des chartes québécoise et canadienne des droits et libertés. À cet égard, le ministre de la Justice, Bertrand St-Arnaud, doit rapidement dissiper le flou, a-t-il soulevé.

De son côté, le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, reproche au gouvernement péquiste de vouloir entraîner les Québécois dans «un extrême» où ils ne veulent pas aller. Autant les libéraux que les caquistes planchent présentement sur leur proposition respective en matière de laïcité.

Publicité

Quant à Françoise David, de Québec solidaire, elle s’oppose à l’interdiction du port des symboles religieux par les employés de l’État, de crainte que des femmes portant le hijab se retrouvent exclues du marché du travail.

* * *
À lire aussi dans L’Express:
Coup de barre salutaire? (27 août 2013)
Une Charte québécoise qui fait jaser… en privé (17 septembre 2013)
Charte, chape, écharpe… (3 décembre 2013)
Sociologie antisociale (16 janvier 2014)

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur