Marée noire: plus facile de travailler dans l’espace qu’au fond de la mer

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Publié 08/06/2010 par Agence Science-Presse

Après plus de 40 jours, la science commence finalement à mettre son doigt dans la nappe de pétrole dans le golfe du Mexique. En dépit de la disproportion des forces entre chercheurs et compagnies pétrolières.

Le New York Times rapporte que la National Science Foundation a commencé à émettre des subventions «rapides» pour des équipes sur le terrain. Quant à la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), l’agence américaine qui est aux océans ce que la NASA est à l’espace, elle a envoyé «ses» bateaux sur place.

Enfin, c’est d’un navire universitaire (University of South Florida) qu’est venue la semaine dernière la confirmation qu’il y a bel et bien au moins une nappe de pétrole sous-marine, invisible à l’œil nu.

Parallèlement, la compagnie BP (dont l’action est en chute libre et pourrait ne pas se relever du désastre) a promis un «don» de 500 millions $ sur 10 ans pour la recherche scientifique dans le golfe du Mexique.

Signature chimique

Qu’espèrent étudier ces scientifiques avec ces fonds d’urgence? D’une part, l’usage des dispersants: leur impact sur la vie marine est-il aussi négatif qu’on le craint?

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D’autre part, les nappes sous-marines: comment se déplacent-elles? Peut-on prévoir ces déplacements? Et comment les détecter?

Pour l’instant, c’est par la prise d’échantillons à différentes profondeurs que le navire universitaire a confirmé la signature chimique de cette nappe de pétrole. Les photos satellites ne sont d’aucune utilité, et même un plongeur, s’il était capable de survivre à des centaines de mètres de profondeur, ne les verrait pas.

Sous le microscope, d’autres se pencheront aussi dans les prochaines semaines sur un mélange des deux phénomènes, les dispersants et les nappes sous-marines. Car si on sait que les produits dispersants réduisent le pétrole à l’état de gouttelettes, que sait-on de l’impact de ces produits toxiques lorsque des poissons avalent les gouttelettes qui en contiennent?

Pas de réponses avant des années

Il n’y aura pas de conclusions faciles. Contrairement à l’impression que donnent les inévitables images de pélicans noircis, il pourrait s’écouler des années avant qu’on ait des réponses définitives. Les semaines écoulées avant que les scientifiques ne puissent commencer leurs analyses jouent contre eux: ils arrivent sans base de comparaison avec «l’avant».

De plus, ils sont en déficit: la technologie pour étudier à 1500 mètres de fond est beaucoup plus une technologie conçue par et pour… les compagnies d’exploitation pétrolière. Comme l’écrit cyniquement le journaliste du Times: «explorer et protéger le golfe du Mexique n’a pas été une priorité nationale aussi élevée que de forer pour le pétrole».

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Voyage au fond des mers

Un rappel: à 1500 mètres de profondeur, la pression est telle que tout sous-marin conventionnel serait écrasé comme un ver de terre sous votre soulier.

Quiconque a déjà fait de la plongée sous-marine a entendu ce type de comparaison: chaque fois que vous descendez de 10 mètres, la pression augmente de l’équivalent de ce que vous ressentez sur la terre ferme.

À 1500 mètres de profondeur, ça se traduit par une pression de plus d’une tonne sur chaque pouce carré. Conséquence: les robots qui travaillent là-dessous, les lumières, les caméras, et tout équipement, jusqu’aux tuyaux, doit être en titane ou un matériau capable de résister à une force aussi infernale.

Des câbles qui pèsent des tonnes

Ce n’est pas tout: les ondes radio se propageant mal dans l’eau, les travailleurs qui, depuis la surface, manipulent les robots, doivent compter sur des câbles. Ces câbles aussi, après avoir été déployés sur 1500 mètres, pèsent des tonnes…

En fait, il est plus facile d’aller photographier une planète située à des milliards de kilomètres. Une sonde spatiale n’a besoin que d’une banale antenne.

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Inutile de dire qu’aucun rayon de soleil ne se rend jusqu’à 1500 mètres de fond. Que la température est d’à peine un ou deux degrés au-dessus du point de congélation. Et qu’on parle ici d’eau salée — donc, plus corrosive pour la plupart des matériaux.

Pour en savoir plus

Un laboratoire inespéré www.csmonitor.com/USA/2010/0527/BP-oil-spill-an-unexpected-laboratory-for-deep-sea-disaster

Les contraintes sous-marines www.nytimes.com/2010/05/30/weekinreview/30broad.html?src=twt&twt=nytimesscience

www.sciencepresse.qc.ca

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