Manet porté au pinacle

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Publié 14/06/2011 par Gabriel Racle

Après l’exaltation de Monet, dont L’Express a largement rendu compte, c’est au tour de Manet d’être mis en vedette cette année, avec une remarquable monographie, une exposition au Musée d’Orsay à Paris et un catalogue pour l’illustrer. Les amateurs d’art moderne ont de quoi se réjouir.

Mais qui était Manet?
C’est la question que l’on peut encore se poser après avoir pris connaissance de l’ouvrage, sorti le 20 avril dernier, de James H. Rubin, Manet, Flammarion, 2011, 31×24 cm, 416 p., très nombreuses illustrations.

«Manet (1832-1883), inventeur de la modernité en peinture: l’assertion, maintes fois formulée, est au moins suspecte. Pourtant l’idée demeure bien ancrée d’une éruption spontanée de l’art moderne vers 1863-1865, au moment où Manet expose publiquement Le Bain et L’Olympia, dérangeantes démonstrations virtuoses d’un peintre archi-cultivé qui aurait trop bien suivi les conseils de son maître le demi-classique Thomas Couture.

Cependant, comme toute rumeur persistante, celle-ci a un fond de vérité historique; le tout est de cerner de quelle histoire il s’agit.»

Cette puissante monographie, ainsi présentée, veut montrer quelle est la vraie place d’Édouard Manet dans l’histoire de la modernité: le peintre était ancré autant dans la vie que dans la peinture et s’attachait à réinventer l’une et l’autre. «Le langage plastique le plus novateur ne peut toucher le public que si l’artiste fait référence, sans les accepter forcément, à un système de conventions et à une série de faits connus de tous.» (p. 8)

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Dialogues

«L’art, ajoute l’auteur, est le fruit de ces dialogues entre l’artiste et le monde environnant…» et c’est sur cette base que Manet va construire son art, par touches successives, en brossant ainsi ces œuvres qui font de lui «le chef de file de l’impressionnisme», dans un parcours singulier que retrace J. Rubin.

Mais il le retrace lui aussi à la manière de Manet, par petites touches coloréaes, qui dressent un portrait réaliste et mythique, un peu à la façon de ces textes légendaires épiques qui ouvraient le champ représentatif de l’imagination du lecteur.

Ainsi s’instaure un dialogue entre l’auteur, le lecteur et les tableaux de Manet, comme le suggère les titres des chapitres, et plus encore leur contenu dont on ne peut que s’imprégner: Ni marin, ni bohême, ni dandy: rebelle; La peinture dévêtue: l’effet prostituée; Initiale «M»: signatures et dualité du moi; Nature morte et silence: une poétique du bouquet; Une sensibilité moderne: la distance du regard, pour ne donner que quelques exemples.

Un Manet renouvelé

Il est impossible de rendre compte dans un court article de la densité et de l’originalité du travail de Rubin. Il nous offre un Manet renouvelé, en plaçant le lecteur dans une perspective qui va au-delà d’un tableau de Manet, si riche soit-il, au-delà du texte qu’il nous livre, pour laisser toute la place à l’épanouissement de la réaction du lecteur, de sa sensibilité, de ses émotions.

Ainsi, au terme de cet ouvrage somptueux, qui fera date dans l’histoire de l’art et dans celle de Manet, le lecteur construit, comme le souhaite l’auteur, «son Manet», ce qui est le propre d’une véritable œuvre d’art.

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L’exposition et son catalogue

L’exposition du Musée du quai d’Orsay, ouverte jusqu’au 17 juillet, porte le même titre que son catalogue: Manet, inventeur du Moderne, Musée d’Orsay/Éditions Gallimard, 23,5 x 28,5 cm, 304 p., 255 illustrations, différentes pour la plupart de celles du livre de Rubin qui prône «le contact réel avec un tableau, surtout quand il s’agit de Manet».

Et l’exposition en est l’occasion, pour qui peut s’y rendre. Elle «entend situer le peintre Édouard Manet dans son temps, entre l’héritage réaffirmé du romantisme, l’impact de ses contemporains et le flux médiatique de son époque».

L’exposition suit donc ou accompagne l’évolution de Manet en neuf sections d’un parcours que l’on retrouve dans le catalogue. Les organisateurs veulent sortir Manet du cadre dans lequel on a eu tendance à l’enfermer, en le présentant seulement comme le père de l’impressionisme ou de la peinture pure.

Si Manet a bien créé un choc au début des années 1860, il n’a cessé ensuite d’évoluer, passant «de l’hispanisme militant des débuts au naturalisme déviant des dernières toiles».

On pourrait parler, avec cette exposition, avec ce catalogue et les textes documentés qui l’encadrent, d’une renaissance de Manet, sorti du décor ambigu dans lequel on le cantonnait, pour lui redonner toute sa place dans son environnement contemporain.

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Année Manet?

Faudrait-il parler d’une année Manet, avec ces publications qui dépassent le simple cadre d’une exposition, si intéressante soit-elle, et elle l’est, pour nous restituer ou mieux peut-être nous suggérer, à la manière d’un tableau, «le vrai visage de Manet», peintre de génie, certes, mais peintre de son temps? C’est évidemment l’occasion rêvée de le découvrir.

«La peinture, c’est une affaire d’intelligence. On la voit chez Manet.» – Pablo Picasso, 1956.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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