L’Ontario a manqué une bonne occasion de faire preuve de leadership

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Publié 06/08/2013 par Gérard Lévesque

Dans son intervention en Cour suprême du Canada dans le dossier Conseil scolaire francophone de la Colombie‑Britannique c. Colombie‑Britannique, 2013 CSC 42, le Procureur général de l’Ontario a limité sa plaidoirie à la question du moment de la réception du droit britannique dans les colonies. Ce faisant, il a négligé d’anticiper les conséquences prévisibles de sa position et, ainsi, il a manqué une occasion d’assurer un leadership national dans le domaine de la dualité linguistique.

Peu de gens connaissent l’histoire constitutionnelle de l’Ontario. Le Procureur général de l’Ontario a bien fait de rappeler quelques faits historiques.

La colonie française du Canada, qui incluait la grande partie du territoire de l’Ontario d’aujourd’hui, a été cédée à la Grande-Bretagne par le Traité de Paris du 10 février 1763. Le 26 décembre 1791, la Province de Québec d’alors était scindée pour créer les provinces du Bas-Canada et du Haut-Canada. Le 10 février 1841, tout en retenant chacune leur propre système juridique, ces deux provinces ont été réunies pour créer la province du Canada.

En 1867, la partie de la province du Canada qui était auparavant le Haut-Canada est devenue la province de l’Ontario.

Droit colonial

Dans son mémoire au plus haut tribunal du pays, l’Ontario prend comme position que toutes les lois d’Angleterre en vigueur à la date de réception de celles-ci ont été reçues dans le droit colonial (et plus tard, dans le droit canadien), sauf celles exclues expressément par une loi ou celles inapplicables dans la situation de la colonie qui les recevait et, cela, au moment de cette réception.

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Le Procureur général de l’Ontario s’empresse de préciser qu’il ne prend pas position sur les questions à savoir si la loi de 1731 a été reçue dans le droit de la Colombie-Britannique (C.-B.), ni si elle a été subséquemment abrogée ou modifiée par la législature de la C.-B. ou, encore, si elle régit la langue dans laquelle les documents déposés devant les tribunaux de la C.-B. peuvent être rédigés.

Il ajoute que, dans la mesure où des dispositions législatives gouvernent la langue des instances, la compétence inhérente des tribunaux ne peut pas être utilisée pour autoriser que la preuve soit présentée dans d’autres langues.

Le français, langue étrangère

L’intervention de l’Ontario a certainement contribué à convaincre un juge de trop à constituer de justesse une majorité en faveur des motifs rédigés par le juge Wagner.

Le résultat est surprenant: d’après cette majorité, une loi adoptée en Angleterre en 1731, donc bien avant la fondation en 1858 de la colonie de la C.-B. et bien avant son adhésion au Canada en 1871, fait en sorte qu’en 2013, dans les procès civils devant les tribunaux de cette province, la langue française, une langue officielle du Canada, est considérée une langue étrangère.

Et cette position sans nuance s’appliquerait dans toutes les instances non criminelles, donc même dans les causes civiles relevant de la sphère fédérale comme le divorce, ce qui, à mon avis, est contraire au statut constitutionnel du français.

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Pourtant, s’il y a une province qui sait que les droits linguistiques fédéraux suivent les responsabilités fédérales, c’est bien l’Ontario.

La nécessité d’avoir une procédure applicable aux poursuites des contraventions qui tient compte de la distinction existant entre les infractions criminelles et les manquements aux lois ou règlements a justifié le Parlement d’adopter la Loi sur les contraventions.

Toutefois, lorsqu’Ottawa a offert de déléguer à l’Ontario la responsabilité des poursuites en vertu de la Loi sur les contraventions, Justice Canada était d’avis qu’il n’était pas approprié de faire mention des droits linguistiques des justiciables puisque le régime linguistique ontarien allait s’appliquer. Or, les droits linguistiques reconnus par l’Assemblée législative de l’Ontario sont inférieurs aux droits linguistiques fédéraux.

Droits fédéraux

Il a fallu un recours judiciaire exercé par la Commissaire aux langues officielles et par l’AJEFO pour obtenir une décision du juge Blais, de la Cour fédérale, le 23 mars 2001, afin de faire respecter les droits linguistiques fédéraux. Ces droits s’appliquent maintenant aux provinces comme l’Ontario et la C.-B. qui ont accepté de prendre charge de responsabilités fédérales.

En droit criminel comme dans des causes civiles, les tribunaux des provinces se sont vus confier des responsabilités fédérales qui exigent le respect du statut constitutionnel des deux langues officielles.

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N’en déplaise au législateur de la C.B. et au Procureur général de l’Ontario, les tribunaux de la C.B. ont deux langues officielles. Pour la procédure devant ces tribunaux provinciaux, il y a donc deux langues autorisées et, aucune d’entre elles, ne peut être traitée comme un dialecte étranger.

Renseignements

Décision majoritaire et décision minoritaire de la Cour suprême du Canada

Mémoire du Procureur général de l’Ontario

Décision du juge Blais dans le dossier de la Loi sur les contraventions

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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