L’obligation de fournir des services égaux dans les deux langues officielles

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Publié 10/02/2009 par Gérard Lévesque

Le paragraphe 20(1) de la Charte canadienne des droits et libertés et la partie IV de la Loi sur les langues officielles ( LLO ) comportent l’obligation constitutionnelle de mettre à la disposition du public des services qui sont de qualité égale dans les deux langues officielles. Grâce au militantisme de Raymond Desrochers et des personnes appuyant la corporation de développement économique communautaire CALDECH qu’il dirige, le plus haut tribunal du pays a eu l’occasion de préciser le contenu de l’obligation de fournir des services égaux dans les deux langues officielles.

En 2001, la Commissaire aux langues officielles avait conclu que, dans les services de développement économique offerts à la population francophone de la Huronie par la Société d’aide au développement des collectivités de Simcoe Nord, Industrie Canada avait manqué aux obligations qui lui incombaient selon les parties IV et VII de la LLO. Puisque dans deux rapports de suivi en 2003 et 2004, la Commissaire a conclu qu’Industrie Canada ne respectait toujours pas entièrement les parties IV et VII de la LLO, Desrochers et CALDECH ont formé un recours devant la Cour fédérale.

La Cour fédérale a reconnu que, lors du dépôt de la plainte, Industrie Canada manquait à son obligation de fournir des services égaux dans les deux langues officielles. Elle a toutefois rejeté le recours puisqu’au moment de la formation du recours judiciaire, Simcoe Nord fournissait des services égaux dans les deux langues. La Cour d’appel fédérale a par la suite décidé que la Cour fédérale aurait dû accueillir la demande, car le moment pertinent pour en déterminer le bien-fondé est la date du dépôt de la plainte et qu’à ce moment, Simcoe Nord n’était pas capable de communiquer avec ses clients et de leur fournir des services en français. Elle a toutefois indiqué qu’en application de la norme de l’égalité réelle, Simcoe Nord n’était pas tenue de prendre en compte les besoins particuliers de la communauté francophone dans l’élaboration et la mise en oeuvre de ses programmes.

Par un jugement unanime, rédigé par la juge Louise Charron et rendu public le 5 février 2009, la Cour suprême du Canada a estimé que la Cour d’appel fédérale a considéré la question de l’égalité linguistique à travers un prisme trop étroit: le principe de l’égalité linguistique en matière de prestation de services gouvernementaux donne une garantie par rapport aux services offerts par l’institution fédérale, et le contenu de ce principe doit être défini en tenant compte de la nature du service en question et de son objet. Il se peut que l’élaboration et la mise en oeuvre de services identiques pour chacune des communautés linguistiques ne permettent pas de réaliser l’égalité réelle. En l’espèce, il est difficile de concevoir comment les services de développement économique pouvaient être rendues sans la participation des communautés visées, tant pour ce qui a trait à l’élaboration des programmes qu’à leur mise en oeuvre, puisqu’il s’agit là de la nature même des services offerts. Les communautés pouvaient donc s’attendre à un contenu distinct qui varierait d’une collectivité à l’autre selon les priorités établies par les collectivités elles mêmes.

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Il est donc faux de penser que le principe de l’égalité linguistique ne confère pas un droit à un accès à des services égaux de développement économique régional ou encore qu’Industrie Canada n’était pas tenu de prendre les mesures nécessaires pour que les francophones soient considérés comme des partenaires égaux avec les anglophones dans la définition et la prestation des services de développement économique. Selon la Cour suprême du Canada, «ce qui compte, c’est que les services offerts soient de qualité égale dans les deux langues. L’analyse est forcément comparative. Ainsi, dans la mesure où Simcoe Nord, conformément aux objectifs des programmes, faisait des efforts pour toucher la communauté linguistique majoritaire et l’engager dans l’élaboration et la mise en oeuvre des programmes, il lui incombait d’en faire autant pour la communauté linguistique minoritaire.»

L’arrêt a tranché un principe important pour l’épanouissement des communautés francophones en situation minoritaire. Déjà, des représentants des Acadiens du Nouveau-Brunswick ont fait savoir qu’ils vont utiliser cette décision dans leurs présentes démarches en vue d’obtenir la pleine reconnaissance de leurs droits dans le domaine de la santé.

À titre de renseignement, le lien suivant mène à la description du cheminement de ce dossier au niveau de la Cour suprême du Canada entre le 16 janvier 2007 et le 6 février 2009: http://www.scc-csc.gc.ca/information/cms-sgd/dock-regi-fra.asp?31815

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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