Lise Bissonnette à la rescousse du français aux Jeux olympiques

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Publié 07/03/2006 par Magdaline Boutros

Il y a un petit quelque chose d’époustouflant à la regarder aller. Journaliste, rédactrice en chef puis directrice du Devoir, Lise Bissonnette dirige maintenant la Grande Bibliothèque du Québec, un projet qu’elle a chéri et soutenu dès ses tous débuts. Celle qui depuis longtemps a laissé son empreinte sur la vie culturelle québécoise s’attelle maintenant à l’héritage de Pierre de Coubertin. «Plus loin, plus haut, plus fort» semble-t-elle nous dire? Lise Bissonnette a accepté en mars dernier le poste de Grand Témoin de la Francophonie pour les Jeux de Turin et vient de compléter son séjour chez les Olympiens.

«Je ne suis pas du tout de ce milieu, mais je suis une bonne sportive de salon», admet d’entrée de jeu Lise Bissonnette, en entrevue depuis Turin.

Son immersion dans le monde olympique aura été «fascinante» et lui aura permis de faire quelques «observations sociologiques» sur l’évolution du sport et du mouvement olympique. Mais avant tout, Lise Bissonnette était à Turin pour observer la place que détient le français et pour sensibiliser les divers intervenants à la place qui lui revient.

L’article 24 de la Charte olympique confère au français et à l’anglais le statut de langues officielles du mouvement olympique. De surcroît, en cas de litige entre les deux versions, c’est le français qui fait foi.

Or, depuis quelques Jeux, le français semble être en chute libre. La France s’inquiétait depuis plusieurs années déjà du déclin de la langue de Pierre de Coubertin. Plutôt que d’agir seule, elle a proposé à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) d’instaurer une mission multilatérale de surveillance.

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Hervé Bourges, journaliste français et président de l’Association internationale des journalistes de langue française, a été nommé premier Grand Témoin pour les Jeux d’Athènes à l’été 2004. Son rapport était alarmiste. Lise Bissonnette confirme: «Athènes a été une sorte de point tournant où on s’est dit qu’on ne pourrait pas continuer comme ça longtemps avant que le français devienne très marginal».

À Turin, le contexte était plus favorable. Ancien membre du royaume de Savoie, «la ville de Turin n’a pas toujours été italienne». Les touristes de l’Hexagone ont de tout temps fréquenté les montagnes turinoises et bon nombre d’Italiens sont polyglottes.

Le bilan de Louise Bissonnette sera nettement plus positif. Après avoir arpenté les sites des Jeux, assisté aux compétitions, interviewé moult organisateurs, la conclusion s’impose d’elle-même: la place du français a été respectée lors des cérémonies d’ouverture et de clôture, lors de la remise des médailles et dans l’affichage sur les sites de compétition. Mais dans le «déroulement quotidien des Olympiques», que ce soit lors des descriptions des commentateurs, dans les magasins officiels, le français était quasi-absent. Il n’y a qu’en ski que l’équilibre a été respecté.

Pour assurer un avenir au français dans les JO, Lise Bissonnette veut aller encore «plus loin» dans son rapport en analysant la place du français dans l’ensemble du mouvement olympique. «Si on veut maintenir une diversité linguistique dans le sport international, il faut aller plus loin que simplement se demander si on ne pourra pas faire mieux sur le site des Jeux.»

Il n’y a que le Comité international olympique (CIO) qui demeure véritablement bilingue, selon Mme Bissonnette. Les fédérations sportives internationales et les comités olympiques nationaux n’utilisent plus le français. «Ce sont des choses qu’il faut dire et écrire. Et il faut demander que des mécanismes permanents soient mis en place pour mieux encadrer le statut du français langue officielle qui ne peut plus simplement être laissé à la bonne volonté des organisateurs.»

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Et avec les Jeux de Pékin qui arrivent à grands pas, il faudra redoubler d’ardeur pour renverser la vapeur. Lise Bissonnette a déjà rencontré plusieurs représentants des Jeux de Pékin. Ils sont plein de «bonne volonté» rend compte la Grande Témoin, mais c’est au niveau des moyens que la chose s’annonce plus ardue.

Lise Bissonnette recommandera dans son rapport de nommer rapidement le prochain Grand Témoin qui aura sous sa responsabilité les Jeux de Pékin et de s’assurer que ladite personne parle le mandarin. «Les Jeux d’été, c’est demain matin.» Plusieurs décisions ont déjà été prises, notamment concernant les mascottes qui sont illustrées uniquement en anglais et en mandarin. Un émissaire doit être envoyé rapidement pour aider les Chinois à respecter la place du français, plaide-t-elle.

Après le dur coup que risque d’absorber le français à Pékin, un court répit l’attendra à Vancouver. Mais même là, l’encadrement doit être plus clair, croit Mme Bissonnette. «Même les gens de Vancouver me disent que ce n’est pas si clair que ça ce qu’on leur demande», soutient-elle.

Devant la perte de vitesse quasi-généralisée que vit le français sur presque toutes les vitrines internationales, l’OIF semble être bien décidée à faire valoir ses acquis. Les missions des Grands Témoins s’inscrivent dans un réel «programme de sauvegarde du français» qui a été développé lors du Sommet de Ouagadougou en 2004 pour contrer les effets pervers de la mondialisation qui tendent à mener à un unilinguisme planétaire.

Lise Bissonnette donnera une conférence de presse le 20 mars en compagnie d’Abdou Diouf, secrétaire général de la Francophonie, à l’occasion de la Journée internationale de la Francophonie. Elle brossera les grandes lignes de son rapport, qui sera pas la suite déposé officiellement au mois de mai.

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