Lire avec des points

Louis Braille était aveugle.
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Publié 13/01/2009 par Gabriel Racle

Il y a 200 ans, le 4 janvier 1809 très exactement, naissait Louis Braille dans une petite bourgade rurale proche de Paris. Son père, bourrelier, travaille le cuir pour fabriquer ou entretenir les nombreux articles en cette matière. Son fils aime jouer dans l’atelier avec des outils de son père. Un jour, il se blesse avec un instrument servant à percer des trous et perd un œil. Puis l’autre œil s’infecte. À cette époque, on connaissait encore mal les problèmes d’infection et il était courant que la perte accidentelle d’un œil entraîne la perte de l’autre. À 3 ans, Louis est aveugle.

Mais ses parents ne perdent pas la partie et veulent lui assurer une bonne éducation malgré ce handicap, ce qui se fait avec l’aide du curé et de l’instituteur. L’enfant va donc à l’école primaire du village et se montre un excellent élève, retenant par cœur ses leçons. À 10 ans, il est admis à l’Institut royal des jeunes aveugles à Paris (Louis XVIII règne alors), grâce à une bourse d’études. Il y apprend à lire les lettres en relief, faites de fils de cuivre pressés sur une page pour donner la forme des lettres.

À l’institution, Louis Braille se révèle très vite un élève doué. Il réussit dans toutes les disciplines enseignées, qu’il s’agisse de tâches manuelles ou de travaux intellectuels. Voici ce que dit le Dr Pignier, directeur de l’Institut: «Doué d’une grande facilité, d’une intelligence vive et surtout d’une rectitude d’esprit remarquable, il se fit bientôt connaître par ses progrès et ses succès dans ses études. Ses compositions littéraires ou scientifiques ne renfermaient que des pensées exactes; elles se distinguaient par une grande netteté d’idées exprimées dans un style clair et correct. On y reconnaissait de l’imagination; mais celle-ci était toujours dirigée par le jugement.»

Louis Braille n’a pas 15 ans lorsqu’on lui confie certaines responsabilités d’enseignement, notamment à «l’atelier de chaussons de lisières», c’est-à-dire faits d’une étoffe grossière, que l’on met aux nouveau-nés ou que les adultes portent la nuit pour se préserver du froid. En 1828, il devient «répétiteur», puis «professeur». Il enseigne différentes matières: grammaire, histoire, géographie, arithmétique, algèbre, géométrie, piano, violoncelle.

Il compose aussi des traités bien conçus, comme son traité d’arithmétique, imprimé en relief, qui est un modèle de précision et de concision. «Nos procédés d’écriture et d’impression, disait-il, occupent beaucoup de place sur le papier; il faut donc resserrer la pensée dans le moins possible de mots.» L’impression en relief consistait en effet à utiliser des caractères typographiques – des pièces métalliques ayant en relief le dessin en miroir d’une lettre ou d’un signe – pour gaufrer par pression le papier qui prend la forme de la lettre. Un procédé complexe et lent qui faisait dire à l’abbé Carton, directeur de l’école pour aveugles de Bruges, en Belgique: «À Paris, il n’y a que 3 ou 4 aveugles sachant écrire.»

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Mais Louis Braille prend aussi connaissance du système Barbier, la sonographie, mise au point par un capitaine pour permettre aux soldats de communiquer la nuit, en silence. Le système utilise 12 points en relief représentant des sons qui, combinés, forment des mots. L’armée rejette ce système trop compliqué. Charles Barbier l’adapte pour les aveugles, mais le système est trop complexe. Louis Braille s’intéresse à ce système tactile et entreprend de le simplifier.

Il utilise six points, abandonne la reproduction des sons pour y substituer la reproduction tactile des lettres de l’alphabet. C’est le début du système braille, au point pour l’essentiel dès 1825. En 1826, l’Institut publie, encore en relief linéaire, l’écriture officielle de l’établissement, le «Procédé pour écrire les paroles, la musique et le plain-chant au moyen de points, à l’usage des aveugles et disposés pour eux, par Louis Braille, répétiteur à l’institution Royale des Jeunes Aveugles», qui marque le véritable lancement de l’alphabet braille, officiellement utilisé en 1827 pour la transcription de la Grammaire des grammaires.

C’était un alphabet calqué sur celui des voyants, donnant donc un accès réel et complet à la culture. Il était facile à déchiffrer avec 6 points au maximum, que l’on pouvait saisir, avec un peu d’exercice, sans déplacement du doigt. Il se prêtait à des développements qui n’ont pas manqué de se produire ultérieurement. La deuxième édition, en 1837, marque déjà des progrès, «des observations utiles et des applications ingénieuses dues à l’obligeance de plusieurs aveugles distingués», comme l’écrit l’auteur. Elle présente la notation musicale ponctuée qui est devenue de nos jours la «Notation musicale braille internationale».

Braille s’est ensuite attaqué à un problème important, celui de la communication entre aveugles et voyants, qui ne lisent pas le braille. «Mettant une fois de plus en action son imagination et son intelligence, il invente une méthode nouvelle qu’il expose en 1839 dans une petite brochure imprimée en noir, intitulée: Nouveau procédé pour représenter par des points la forme même des lettres, les cartes de géographie, les figures de géométrie, les caractères de musique, etc., à l’usage des aveugles. «En gros, cette méthode était basée sur un repérage, par coordonnées, de points en nombre suffisant pour permettre d’une part la reconnaissance visuelle de lettres, chiffres et autres signes des voyants, d’autre part leur reconnaissance tactile par les aveugles.» (Syndicat National des Ophtalmologistes de France) Pour le faire, on inventa une machine, le raphigraphe, supplantée par la machine à écrire adaptée, qui présente l’inconvénient de ne pas permettre aux aveugles de relire leur texte.

Louis Braille, atteint de tuberculose, devait décéder le 8 janvier 1852. Il fut inhumé dans le cimetière de son village natal. Un siècle plus tard, le 21 juin 1952, il sera transféré à Paris, au Panthéon, le temple de la renommée des célébrités françaises.

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Les éditions Gallimard ont publié un intéressant petit livre, format poche, bien illustré, imprimé en gros caractères, Louis Braille, l’enfant de la nuit, 100 p. «À lire dès 8 ans», dit l’éditeur. C’est l’histoire de Louis Braille, de son courage et de son invention, racontée en termes simples et instructifs. Pour mieux comprendre les problèmes des mal-voyants, tous les enfants devraient lire ce livre qui devrait se trouver dans les écoles, à la disposition des enseignants. Les parents peuvent en profiter aussi car, curieusement, c’est le seul livre en français consacré à Louis Braille «bienfaiteur de l’humanité».

Pour connaître davantage le système braille et son adaptation à l’informatique, voir, par exemple, Wikipedia, fr.wikipedia.org/wiki/Braille

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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