L’invention du cinéma: une lanterne magique

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Publié 17/08/2010 par Gabriel Racle

Confortablement assis dans une salle de cinéma où l’on projette le dernier film à la mode, ou le voir se dérouler chez soi à la télévision, tout cela nous semble bien naturel et l’on ne se demande guère comment on en est arrivé à ce développement technologique. Et même se faire chez soi son cinéma nous semble de la dernière nouveauté. Et pourtant…

Une exposition présentée à Paris, puis à Turin, nous apporte des révélations d’un grand intérêt. Et grâce au catalogue de cette exposition – Laurent Mannoni et Donata Pesenti Campagnoni, Lanterne magique et film peint – 400 ans de cinéma,Avant-propos de Francis Ford Coppola, Éditions de La Martinière, 336 p., 22×28 cm, cartonné – nous pouvons découvrir à loisir et avec plaisir l’univers merveilleux qui a précédé la création du cinéma et a conduit à son invention.

«La lanterne magique est un appareil d’optique. C’est une boîte en bois ou en fer, équipée d’un objectif généralement composé de deux lentilles. Grâce à cet appareil, des plaques de verre peintes à la main peuvent être projetées sur un écran», explique Laurent Mannoni. Car les projections sur écran ont commencé avec un tel appareil apparu aux Pays-Bas en 1659, grâce à l’astronome Christiaan Huygens.

Le principe est simple, puisqu’il suffit de disposer des plaques de verre coloriées devant une lampe et des lentilles pour voir apparaître un agrandissement de l’image sur un écran blanc. Et voilà la lanterne surnommée d’abord «lanterne de peur», car Huygens projetait l’image d’un squelette jouant avec sa tête.

Plaques peintes

Cette lanterne, devenue «magique» quelques années après sa création, est restée d’abord un objet mystérieux dont on cachait le secret de fabrication. Mais l’objet le plus insolite était la plaque de verre sur laquelle un artiste créait un dessin. Celui-ci devait être parfait, car la projection agrandissait les défauts.

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La lanterne devenant rapidement très populaire en Europe, le secret de sa fabrication s’est vite levé. Les plaques vont aborder de nombreux thèmes: vie quotidienne, voyages, contes, légendes, religion, sciences, art, fantômes et même des sujets politiques et sociaux.

Certains artistes s’illustrent dans ces tableaux miniatures, qui demandent beaucoup de minutie, une richesse de couleurs, la finesse du trait et sont parfois de véritables œuvres d’art. Pour le public, qui ignore les lois de l’optique, le défilé de monstres, de spectres, suscite une crainte mêlée de fascination pour ces projections magiques.

Le catalogue présente plus de 500 documents en couleur (plaques de verre, lanternes, films peints, gravures, etc.) qui illustrent la diversité des thématiques abordées et des appareils utilisés aux noms bizarres (mégascope, eidotrope, cycloïdotrope…) et aux formes étranges (tour Eiffel, œufs, mandarin). C’est déjà tout un spectacle.

Astuces techniques

Au fil du temps, les projections de la lanterne magique se perfectionnent, avec l’élaboration de nouvelles plaques qui passent de l’image fixe aux images animées par différentes astuces techniques, deux verres don l’un est mobile, plaques circulaires avec animation rotative, etc. La lanterne magique se popularise, des colporteurs font des présentations dans les campagnes. Les constructeurs se multiplient. On en compte 195 à Nuremberg en 1851.

On fabrique des lanternes pour enfants et pour familles. Se faire son cinéma à la maison existait alors. La lanterne est tellement populaire qu’on la retrouve en Chine, où les Jésuites organisaient des projections pour l’Empereur. Elle a une «double nature»: issue de la science, domaine rationnel par excellence, elle est source de fantasmes pour les néophytes et leur rappelle l’au-delà, explique Donata Pesenti Campagnoni.

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Grâce à un système de roues, la lanterne devenue «fantascope» avance et recule, réduisant ou agrandissant l’image à loisir, terrifiant les spectateurs. Des procédés repris, des années plus tard, par les premiers cinéastes.

Le premier film porno

Vers la fin du XIXe siècle, apparaît le cinématographe. Des bandes de celluloïd transparent remplacent le verre fragile. Et par la technique de la chromophotographie, on arrive à produire de petits films, projetés par des appareils perfectionnés, comme le photoscope. Un artiste peint une par une les images de ces bandes (636 poses pour une bande de 45 m) et lance ainsi la peinture sur film et le dessin animé.

L’érotisme, qui fait toujours recette, trouve sa place. Le catalogue présente quelques séquences d’un film dessiné qui serait le premier film pornographique, bien innocent d’ailleurs. Et suivra la technique de peindre les premiers vrais films, que le public trouvait trop gris par comparaison avec les images des lanternes magiques.

Collectionneur de lanternes

L’ouvrage cité offre une histoire fascinante, par ses textes et ses illustrations, de la «préhistoire» du cinéma, difficile à trouver comme ensemble aussi complet. Tous les cinéphiles voudront avoir ce livre dans leur collection.

«Tout le cinéma dans son intégralité vient des premiers magiciens et des spectacles de la lanterne magique», écrit ainsi Francis Ford Coppola, grand collectionneur de lanternes magiques, dans l’avant-propos.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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