L’Inde: une puissance en devenir

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Publié 28/11/2006 par Gabriel Racle

Lorsqu’il était ambassadeurs des États-Unis en Inde (1941-1963), le célèbre économiste américain John Kenneth Galbraith, né à Iona Station, en Ontario, avait déclaré: «L’Inde est une anarchie qui fonctionne».

Il faisait allusion aux immenses problèmes qui confrontaient et confrontent encore, pour une bonne part, un pays de contrastes, où s’opposent archaïsmes et signes de progrès, pauvreté et performances économiques ou scientifiques, tendances centralisatrices et séparatistes, tolérance et tensions communautaires ou religieuses, et d’extraordinaires inégalités de revenus.

Et précisément, la récente actualité vient d’illustrer ce dernier aspect de l’Union indienne – puisqu’il s’agit d’un État fédéral composé de 25 États et 7 territoires – souvent considérée comme «la plus grande démocratie au monde» avec plus d’un milliard d’habitants et des élections qui s’y tiennent régulièrement. Anarchie peut-être, mais qui se coule dans un moule démocratique apparent, malgré l’assassinat de premiers ministres, et permet de surprenantes réussites économiques.

En juillet, Mittal Steel le groupe sidérurgique dirigé par Lakshmi Mittal, un milliardaire indien basé à Londres, réussissait sa fusion avec l’européen Arcelor (offre d’achat de près de 40 milliards de dollars) et devenait le premier sidérurgiste mondial, avec une production de 116 millions de tonnes d’acier par an et un chiffre d’affaires de 100 milliards de dollars.

En Inde, le ministre des Finances, Palaniappan Chidambaram, se déclarait «fier» de voir un homme d’affaires né en Inde devenir «le plus grand fabricant de métal du monde». Même en reconnaissant que Mittal a dû quitter l’Inde pour réussir, «il existe une nouvelle architecture économique et les pays qui ont eu un état d’esprit différent doivent maintenant accepter que, dans cette nouvelle architecture, l’Inde soit un acteur majeur», a souligné Kamal Nath, ministre du Commerce indien.

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Et justement, en octobre, c’est le groupe indien privé Tata Steel qui rachète le groupe anglo-néerlandais Corus, pour près de 10 milliards de dollars et devient le 5e producteur mondial d’acier.

Et il y a eu nombre d’autres rachats de sociétés étrangères par des entreprises indiennes, pour 19,3 milliards de dollars depuis le début de l’année. «L’une des principales forces derrière ce phénomène, explique une économiste, est liée au taux de croissance de l’Inde (8,9% sur un an au deuxième trimestre 2006).» En effet, l’Inde connaît une croissance économique soutenue, à la suite d’un train de réformes mises en œuvre au cours de la dernière décennie.

«Si on utilise la mesure de son produit intérieur brut (PIB) en parité de pouvoir d’achat, l’Inde fait clairement partie des géants qui vont marquer le XXIe siècle, juste après la Chine, l’Europe et, en première position, les États-Unis», de dire Jean-Joseph Boillot, conseiller financier auprès de l’Ambassade de France à New Delhi. La croissance économique de l’Inde est presque aussi spectaculaire que celle de la Chine. Au premier trimestre 2006, la croissance du PIB indien était de 9,3% sur un an. Au deuxième trimestre, elle était de 8,9% (11,3% pour le PIB chinois). Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit une croissance indienne de 8,3% en 2006 et de 7,3% en 2007.

Une classe moyenne dynamique, dotée d’un pouvoir d’achat réel, a vu le jour et de nombreux industriels et entrepreneurs se sont lancés dans la concurrence internationale. L’Inde possède des atouts considérables: un enseignement supérieur de haut niveau (écoles de commerce, instituts techniques, etc.), des milliers d’ingénieurs en informatique et des millions de scientifiques à la compétence mondialement reconnue, formés chaque année, une industrie pharmaceutique puissante, un des premiers producteurs de médicaments génériques dans le monde, un programme spatial tourné vers des applications concrètes.

Les satellites indiens concernent les télécommunications, l’observation de la Terre (avec six satellites IRS), la cartographie, la météorologie, presque tous mis en orbite par des lanceurs indiens, pour ne pas dépendre d’une puissance spatiale étrangère.

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«Elle est désormais la 4e économie du monde par la taille, ou la 5e si on cumule les économies européennes», d’ajouter Jean-Joseph Boillot. Mais ce formidable dynamisme économique n’empêche pas l’Inde de rester un pays pauvre, marqué par les inégalités et le travail des enfants. L’Inde se classe ainsi au 127e rang mondial sur l’échelle de l’Indice de développement humain (IDH) du Programme des Nations Unies pour le développement. Cet indice est calculé à partir de quatre indicateurs: l’espérance de vie à la naissance, le taux d’alphabétisation des adultes, le taux brut de scolarisation combiné (du primaire au supérieur) et le PIB par habitant (le Canada se place au 4e rang en 2005).

Et pourtant, il existe un accord général que résume cette phrase de Bertrand Schneider, ancien diplomate aux Nations Unies, spécialiste de l’Inde, dans L’Inde, l’avènement d’une grande puissance (Éditions d’Organisation, mai 2006): «Acteur incontournable de la mondialisation, l’Inde va bouleverser l’économie et la géostratégie de la planète avec davantage d’atouts que la Chine.»

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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