Peu importe sous quel angle on l’aborde, Robert Charlebois n’a rien d’un chanteur ordinaire. Il n’y a qu’à faire le compte: personne – ni Ferland, ni Félix, ni Rivard, Vigneault ou Léveillée – n’a contribué autant de morceaux au casse-tête de la mémoire collective des Québécois. Personne n’a frappé aussi fort, aussi près de la cible et depuis aussi longtemps. Et personne n’y a investi autant de ce singulier génie dont on fait les œuvres qui capturent l’air du temps pour ensuite s’inscrire dans le Temps.
En quatre CD et 58 chanson, le coffret Tout écartillé (La Tribu) nous emmène de Ma Boulé (1965) à l’album de la renaissance, Doux sauvage (2001). Sacré voyage que celui-là – ou sacré trip, si vous préférez – fait de coups de cœur et de gueule, de rock‘n’roll brusquement affranchi du colonialisme yéyé (Ent’deux joints, The Frog Song), de poésie dont la liberté surréaliste ne saurait masquer le punch politique (Québec Love), de courageuses mises à nu émotionnelles (Ordinaire et J’veux d’l’amour), de savoureuses parenthèses antillaises (Cartier), autochtones (Ya Sa Pichou) ou psychédéliques (California et Lindberg, avec une Louise Forestier au faîte de son art), sans oublier quelques sublimes élans de nostalgie hivernale (Marie-Noël et, bien plus tard, Je reviendrai à Montréal).
Bénéficiant d’un dépoussiérage sonore et superbement contextualisé dans le livret signé Michel P. Côté, cette œuvre reçoit enfin le vaste survol qu’elle mérite. Le bonheur de s’y replonger est tel qu’il serait malvenu de chipoter sur l’inclusion de tel titre ou l’exclusion de tel autre. Parions que les inconditionnels de Charlebois y trouveront leur compte, et que les autres y verront l’occasion de rattraper le temps perdu.
Plamondon, pour le meilleur comme le pire
Une compilation à la fois, l’impressionnant legs discographique de Renée Claude nous est enfin restitué sur CD. Après les années «Rive Gauche» (documentées dans la collection que lui a consacrée Les Refrains d’abord, sur Fonovox), on a eu droit à la collection C’était le début d’un temps nouveau, marquée du sceau de Stéphane Venne (1969-1972) et, déjà, de Luc Plamondon.
C’est d’ailleurs ce dernier qui est à l’honneur sur Entre la Terre et le soleil (Transit/Interdisc), un double CD rassemblant toutes les chansons que ledit Plamondon cosigna pour Renée, soit de l’album Je reprends mon souffle, qui donna au parolier son réel envol, jusqu’à la Ballade pour mes vieux jours, un inédit récemment enregistré, sur lequel clôt cette collection.