L’identité franco-ontarienne doit se refléter dans le nom de nos écoles

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Publié 23/10/2007 par Paul-François Sylvestre

L’Institut d’histoire de l’Amérique française tenait son 60e congrès annuel au Collège militaire de Kingston les 18, 19 et 20 octobre. Une des sessions de travail portait sur «Les combats de la francophonie minoritaire» et notre collaborateur Paul-François Sylvestre était un des conférenciers invités. Nous reproduisons une version abrégée de son exposé qui a traité des vocables significatifs et insignifiants donnés à nos écoles de langue française.

De toutes les institutions gérées par les Franco-Ontariens, les écoles primaires et secondaires constituent le plus important et le plus vaste réseau de lieux identitaires. En 2007, les douze conseils scolaires de langue française en Ontario étaient responsables de 321 écoles élémentaires et 94 écoles secondaires, soit un total de 415 institutions susceptibles de rendre visible le fait français dans la plus populeuse province canadienne.

En excluant les écoles pour adultes et les centres de formation spécialisés, et en comptabilisant une seule fois les écoles primaires et secondaires qui portent le même nom (une école secondaire porte souvent le nom de l’école primaire lorsqu’elle dispense les cours de 7e et 8e années), j’ai examiné le nom ou le vocable que portent 374 écoles franco-ontariennes.

Il s’agit d’un vaste réseau d’institutions qui fonctionnent dix mois par année et rejoignent plus de 100 000 jeunes, cinq jours par semaine.

Vu le poids considérable de ces institutions dans le façonnement de l’identité franco-ontarienne et leur rôle dans le reflet de la société d’expression française en Ontario, j’estime que le nom donné à une école revêt une importance primordiale. Mon analyse indique cependant de graves lacunes à cet égard.

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Certaines écoles portent un vocable lié tout simplement au nom de l’endroit. C’est le cas d’École secondaire catholique de Casselman ou d’École publique Hanmer, par exemple. Cela se produit dans treize villes ou villages.

Il y a aussi une kyrielle d’écoles dont le vocable est axé sur la clientèle, c’est-à-dire des noms qui clament haut et fort les mots jeunes, jeunesse, français ou franco. En voici quelques exemples: Pavillon des jeunes (Belle Rivière), École secondaire Jeunes sans frontières (Brampton), École élémentaire Franco-Nord (Azilda), Collège français (Toronto).

Un grand nombre d’écoles, soit 149 ou 40% des 374 écoles, portent des noms de saints ou de saintes. Cela va d’École Sainte-Marie à École Saint-Ambroise, en passant par École Saint-Dominique-Savio, École Sainte-Jeanne-d’Arc, École Saint-Jules, École Saint-Raymond, etc. Toutes ces écoles sont évidemment catholiques. Certaines portent le même nom que la paroisse (ex: École Sacré-Cœur).

Certaines écoles ont l’art de porter des noms plutôt banals, souvent choisis suite à un concours. Il n’y a pas de mal à inviter les élèves et/ou les parents à décider du vocable de leur école. Dans ce cas, il faut leur proposer trois ou quatre noms, avec argumentaire, puis passer au vote. On éviterait alors des vocables aussi ridicules que L’Envol, L’Envolée, La Source, La Croisée, L’Essor, L’Horizon, L’Équinoxe, L’Alternative, L’Odyssée, Le Prélude, Le Sommet, L’Escale, L’Escalade, etc.

Il y a aussi des écoles dont le vocable est neutre, c’est-à-dire que le nom choisi n’identifie pas une personne, mais revêt parfois une connotation symbolique. En voici quelques exemples: École secondaire catholique La Citadelle (Cornwall), École secondaire catholique Algonquin (North Bay), École secondaire Confédération (Welland), École élémentaire publique Le Trillium (Ottawa).

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Le nombre d’écoles qui portent des noms figurant dans les catégories susmentionnées s’élève à pas moins de 256 ou 68% du total. Seulement 118 écoles de langue française en Ontario sont nommées en l’honneur d’une personnalité, d’un pionnier, d’une pionnière ou d’un explorateur. Il y a de quoi être étonné puisque cela ne représente même pas le tiers des institutions scolaires franco-ontariennes (31% pour être plus précis).

Ces 118 écoles portent 74 vocables différents, certains noms d’écoles revenant plusieurs fois. C’est le cas des écoles Marguerite-d’Youville, Marguerite-Bourgeoys, Jeanne-Lajoie et Georges-Vanier qui reviennent plus au moins trois fois. École Gabrielle-Roy et École George-Étienne-Cartier reviennent au moins deux fois.

Des 74 noms liés à l’identité et/ou à la fierté, une trentaine n’ont pas de lien direct avec l’histoire ou l’identité franco-ontarienne. Certains ont plutôt une portée internationale (Jean XXIII, Mère Teresa, Marie Curie, Jean de La Fontaine) ou nationale (Louis Riel, Gabriel Dumont, Frère André, Paul-Émile Léger, Gabrielle Roy, Antonine Maillet, Félix Leclerc).

On retrouve 11 noms qui remontent à la période de la Nouvelle-France et qui signalent la présence en terre ontarienne d’explorateurs et missionnaires français, voire d’une femme d’affaires: Samuel de Champlain, La Vérendrye, Jeanne Mance, Madeleine de Roybon. Pour la période qui va du Régime anglais à la Confédération (1760-1867), il y a le nom de deux évêques – Mgr Rémi Gaulin et Mgr Armand-François-Marie de Charbonnel – ainsi que celui de la fondatrice des Sœurs de la Charité d’Ottawa, Élisabeth Bruyère. La fin du XIXe siècle est représentée dans les vocables d’écoles par deux autres évêques: Mgr Jean-François Jamot et Mgr Narcisse-Zéphirin Lorrain.

Assez curieusement, seulement neuf écoles portent le nom d’un éducateur ou d’une éducatrice de l’Ontario français: Béatrice Desloges, Jeanne Lajoie, René Lamoureux, Roger Saint-Denis, Laurier Carrière, Omer Deslauriers, Gisèle Lalonde, Marie Tanguay et Charlotte Lemieux. Presque toutes ces écoles sont dans l’Est ontarien.

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Le domaine des arts, de la culture et du patrimoine est représenté dans les vocables scolaires. On y retrouve les écrivains Séraphin Marion, Jean Éthier-Blais et Laure Rièse. L’histoire et le folklore sont présents avec Marius Barbeau, Ernest J. Lajeunesse et Camille Perron. Enfin, Roger Saint-Denis et Hélène Gravel représentent respectivement les arts visuels et le théâtre.

Certaines écoles portent le nom de personnes encore vivantes. Cette pratique n’est pas recommandée, mais mieux vaut plus tôt que jamais. À titre d’exemples, des écoles rendent hommage aux militants franco-ontariens Jean-Robert Gauthier, Lionel Gauthier et Gisèle Lalonde.

En examinant de plus près les 74 vocables identitaires, on découvre que seulement 52 d’entre eux rendent hommage à une personnalité de l’Ontario français. Certains choix sont très judicieux, notamment École élémentaire Marie-Tanguay (Cornwall), École élémentaire Mgr-Jean-Noël (Windsor), École secondaire Deslauriers (Ottawa), École élémentaire Anicet-Morin (Timmins) et École élémentaire Elda-Rouleau (Alexandria). Mais ces 52 vocables ne représentent, hélas, que 14% des 374 écoles de langue française en Ontario. C’est beaucoup trop peu. C’est même honteux!

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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