L’habit fait-il encore le moine?

Depuis quand les moines s’habillent-ils avec une robe? Et pourquoi?

Il est fort possible que la tradition remonte loin dans le temps, à la mode des prêtres de l’antiquité orientale. Le Pape avec sa soutane et tous ses ornements excentriques est habillé à la façon des religieux décrits longuement dans l’Ancien testament*.

Il est curieux de constater au passage, que le mot soutane, vient de l’italien qui l’a emprunté au latin où il signifiait sous vêtement féminin! Eh! Oui.

Je pensais à tout ça, il y a quelques jours en voyant, dans une grande université voisine, une personne, à la silhouette de jeune demoiselle, tout de noir voilée, de la tête aux pieds. Juste une petite fenêtre pour voir les pécheurs au dehors. Or la demoiselle ayant soif, demandait, à travers son voile, où elle pourrait trouver une fontaine.

Un professeur compatissant lui en enseigna une, tout près et alla lui chercher un verre d’eau qu’elle réussit à attraper, à travers le tissu de sa burqua.

La suite allait être du plus haut exercice de style. La pauvre, paniquée, alla se réfugier dans un coin, au bout du couloir. Là, elle s’accroupit et réussit à passer le verre sous ses jupons et à le remonter à sa bouche pour enfin boire sans être vue! Des cohortes d’étudiants passaient en riant et chahutant, sans remarquer ce petit drame qui, au vingt-et-unième siècle tient d’un incroyable spectacle.

S’il ne fallait pas craindre les foudres des extrémistes, on se permettrait de plaindre la jeune fille et de rire de son numéro. Mais on ne rit pas avec le sacré, comme on l’a vu récemment avec le procès de Charlie Hebdo. On sait que d’aucuns n’ont toujours pas le sens de l’humour. Donc ne disons rien, même si nous n’en pensons pas moins.

Les voiles noirs des musulmanes me rappellent d’ailleurs que, il n’y a pas si longtemps encore, nos grands-mères et arrières grands-mères étaient, elles également, souvent habillées de vêtements noirs et mettaient sur leur tête un fichu, noir aussi, en signe de respect, pour entrer à l’église. Elles se cachaient même la face d’une voilette noire, ce qui leur permettait de ne pas montrer leurs larmes quand elles étaient en deuil. Elles étaient veuves de guerre ou avaient perdu un être cher.

Les conflits et les maladies mal soignées faisaient bien des victimes. Mais on ne se cachait pas pour boire ou manger en face des hommes!

Mai 68 a libéré les femmes, les prêtres et les bonnes sœurs des contraintes sociales et religieuses. Que de frocs, soutanes, robes et cornettes ont été jetés aux orties!

Jusqu’où ira-t-on ? On peut se le demander à la suite de l’annonce d’un concours de beauté pour les nonnes, que propose un curé italien. La nouvelle est parue dans tous les grands journaux, dont le très sérieux Globe and Mail. Ce bon prêtre pense à juste titre qu’il y a trop de beautés cachées chez les nonnes, qu’il faut revaloriser une profession, dans laquelle on pourrait facilement trouver des sujettes aussi bien faites que toutes les Carlita de la péninsule italique. Un journal a présenté la nouvelle au-dessus d’une pub aguichante pour des dessous de dentelles et des porte jarretelles. Mais les bonnes sœurs en portent-elles encore? Et qu’en aura dit Benoît à Carla?

Quoiqu’il en soit, l’habit de cérémonie garde encore un air théâtral lui donnant quelque prestige dans la société civile autant que religieuse. Imagineriez-vous le Pape en jeans, accueilli par Nicolas Sarkozy en culotte courte? Ce dernier n’aurait pas, dans ce cas, dépensé aussi allègrement l’argent des contribuables pour recevoir Sa Sainteté.

Pour finir sur une note joyeuse, rappelons que le bon peuple n’a pas toujours pris au sérieux les signes extérieurs de respect. En témoigne cette chanson taquine:

Monsieur le curé n’a pas de soutane, (bis)
Ah ! S’il n’aimait pas tant à boire
Quelle belle soutane noire
Il pourrait avoir!
Kyrie kriste! Dominum nostrum!
Kyrie Eleison!

* Pour l’incroyable habillement sacerdotal des prêtres de l’Ancien Testament, voir Le Pied de Dieu, Lecture irrespectueuse de la Bible, Toronto, GREF.