Avant le stylo-bille et l’ouvre-boîte, il y de cela un siècle et demi, on aurait lu ces mots à la lumière d’une lampe à huile de baleine ou au camphène (un mélange de térébenthine, d’alcool, et d’huile de camphre). En moins d’une décennie, au cours des années 1860, le kérosène distillé du pétrole ou «huile de roche», déplacerait complètement les divers gras organiques utilisés jusqu’alors pendant des siècles pour l’éclairage intérieur. Et le moteur à combustion interne n’était encore qu’un rêve lointain.
Entamant sa carrière comme il entendait la poursuivre, le pétrole connut un succès fulgurant aux États-Unis grâce à une taxation préférentielle, faisant de lui le produit le moins dispendieux de sa catégorie. On le préférait aussi aux huiles organiques parce qu’il n’encrassait pas les mèches, causait moins de fumée et se consommait moins rapidement.
Le pétrole apparaît à une période où les grands cartels (acier, chemin de fer, etc.) font la pluie et le beau temps, monopolisant de vastes secteurs des industries lourdes naissantes. L’absence de réglementation permettait le contrôle lucratif de toute la chaîne de distribution d’un produit, de l’extraction de la matière première jusqu’au consommateur en bout de ligne.
John D. Rockefeller, dieu et maître de la Standard Oil, était si totalement sous le charme de Mammon qu’il a même étudié le nombre minimum de points de soudure nécessaire pour sceller une boîte de lubrifiant. Il avait appris ce que les banquiers du XXe siècle apprendront à notre détriment collectif: même le plus infime profit peut devenir significatif lorsque suffisamment amplifié. Les fractions de cents, multipliées par millions, deviennent-elles même des millions.
Donnez-moi un levier et un point d’appui, disait Archimède, et je soulèverai le monde.